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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/329

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étaient nés chez lui. Il avait aussi des brebis et des bœufs. Comment donc put-il envoyer des bijoux d’or à Rébecca ? C’est qu’il avait reçu des présents de l’Égypte, mais il n’avait commis ni violence ni fraude.
4. Et vous, dites-moi, comment êtes-vous riche ? – J’ai hérité de mes biens. – Et de qui cet autre les a-t-il reçus ? – De mon aïeul. – Et de qui celui-là ? – De son père. – Pourrez-vous, en remontant à plusieurs générations, me montrer que vos richesses sont légitimes ? Non, vous ne le pourrez pas ; il, faut que la racine et l’origine soient entachées d’injustice. Et comment ? Parce que Dieu, à l’origine, n’a point créé de riche ni de pauvre ; il n’a pas non plus amené l’un en présence d’une masse d’or, empêchant l’autre de le découvrir, mais il a livré à tous la même terre. Comment donc, lorsqu’elle est commune, l’un en possède-t-il tant et tant d’arpents et l’autre pas une motte ? – C’est mon père, répondez-vous, qui me les a transmis. – Mais de qui les avait-il reçus ? – De ses ancêtres. – Il faut pourtant arriver à un premier terme. Jacob est devenu riche, mais en recevant la récompense de ses peines. Pourtant je ne veux pas creuser cette difficulté ; soit : il y a une richesse légitime, pure de toute rapine ; vous n’êtes pas responsable des gains illicites de votre père ; vous possédez le fruit de la rapine, mais vous n’avez pas volé vous-même. Je vous accorderai même que votre père n’a pas volé non plus, mais qu’il s’est trouvé en possession de cet or, qui a jailli du sein de la terre. Eh bien, la richesse est-elle bonne à cause de cela ? – Non, sans doute, direz-vous, mais elle n’est pas non plus mauvaise. – Elle ne l’est pas, si le riche n’a pas commis de rapines et en a fait part à ceux qui sont dans le besoin ; mais s’il a refusé de le faire, elle est mauvaise et pleine d’embûches. – Mais, tant qu’elle ne cause pas de mal, elle n’est pas mauvaise, quand même elle n’opérerait pas de bien. – Soit ; mais n’est-ce pas un mal que de retenir seul ce qui appartient au Seigneur, que de jouir seul du bien qui est à tous ? et la terre n’est-elle pas à Dieu, avec tout ce qu’elle renferme ? Si donc nos richesses appartiennent au Seigneur du monde, elles sont aux hommes qui sont ses serviteurs comme nous ; car tout ce qui appartient au Seigneur est pour l’usage de tous. Ne voyons-nous pas que, dans les grandes maisons, les choses sont ainsi réglées, c’est-à-dire que la nourriture est également partagée à tous, comme sortant de la provision du maître, et sa maison étant destinée à l’entretien de tous ? Ce qui appartient à l’État, les villes, les places, les promenades sont communes à tous ; nous y avons tous part également.
Considérez l’économie divine : Dieu, pour faire rougir les hommes, a mis en commun certains objets, tels que l’air, le soleil, l’eau, la terre, le ciel, la mer, la lumière, les astres, et nous en a fait part également comme à des frères ; le Créateur a donné semblablement à tous des yeux, un corps, une âme, la même nature ; tout provient de la terre, tous proviennent d’un seul homme, tous ont une même demeure. Mais rien de tout cela ne fait honte à notre avarice. Il a mis encore en commun d’autres objets, les bains, les villes, les places, les promenades. Voyez, rien de tout cela n’engendre de luttes, et l’on en jouit en paix ; c’est quand un homme essaie de tirer à lui et de s’approprier un objet que la querelle commence ; comme si la nature elle-même s’indignait de ce que Dieu nous ayant réunis pour vivre en société, nous nous querellons pour nous diviser, et dépeçons ces objets pour nous les approprier, pour user des mots le tien et le mien. C’est alors qu’ont lieu la lutte et la souffrance. Mais, pour les biens communs, ce fait ne se produit pas ; on ne voit ni lutte ni querelle. C’est donc là notre destinée la plus réelle et la plus conforme à la nature. Pourquoi jamais personne n’a-t-il un procès au sujet d’une place publique ? C’est parce qu’elle est commune à tous ; tandis qu’à chaque instant nous en voyons pour une maison ou pour de l’argent. Ce qui est nécessaire nous est offert en commun, mais nous ne savons pas maintenir là communauté dans les objets de mince importance. Dieu nous a livré ceux-là en commun, pour nous apprendre ainsi à jouir en commun des autres ; mais cela même ne suffit point à nous instruire.
Et, comme je le disais, comment celui qui possède la richesse serait-il bon ? C’est impossible ; il ne le devient que s’il en fait part à d’autres ; s’il s’en dépouille, c’est alors qu’il est bon ; tant qu’il la retient, il ne l’est pas. Est-ce donc un bien, ce qui nous fait méchants quand on le conserve, et bons quand on s’en dépouille ? Ce n’est donc pas posséder des trésors, qui est un bien ; c’est quand il ne les a plus