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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/346

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peut voir les changements se produire : tout nous donne occasion de méditer sur cela même dans notre jeunesse ; partout et en tout l’instabilité est signalée. Ni l’hiver, ni l’été, ni le printemps, ni l’automne ne se sont jamais arrêtés dans leur cours ; ils s’écoulent, ils s’envolent. Mais que dis-je les années et les fleurs ? Voulez-vous parler des dignités ? des rois qui sont aujourd’hui et ne seront plus demain, des riches, des demeures somptueuses, de la nuit et du jour, du soleil ? N’est-il pas souvent éclipsé, disparu dans les ténèbres, caché par un nuage ? Rien demeure-t-il de tout ce que nous voyous ? Non, rien que notre âme, et nous la négligeons ; nous faisons grand cas de ce qui change, et ce qui demeure à jamais, nous y restons indifférents, comme s’il nous échappait sans cesse. – Un tel est puissant. – Oui, jusqu’à demain, et ensuite il périra ; vous le voyez par l’exemple de ceux qui furent plus puissants que lui et qui ont disparu. La vie est un théâtre, un songe. De même que, chez les acteurs, quand le théâtre est enlevé, la diversité des rôles disparaît, de même que les songes s’envolent aux premiers rayons du matin, de même ici quand notre rôle est achevé dans la vie publique ou privée, tout se dissipe et disparaît. L’arbre que vous avez planté, la maison que vous avez bâtie demeurent après vous ; l’architecte et le laboureur sont enlevés et meurent. Et, quand nous en sommes témoins, cela ne nous change point ; nous disposons tout comme si nous étions immortels, et nous vivons dans le luxe et la mollesse.
4. Écoutez ce que dit Salomon, qui a éprouvé par lui-même ce que sont les choses de la vie présente : « Je me suis élevé des demeures », dit-il, « j’ai planté des jardins et des parcs, des vignobles… des piscines… j’ai acquis de l’or et de l’argent… je me suis procuré des chanteurs et des chanteuses, des troupeaux de gros et de menu bétail ». (Qo. 2,4-8) Nul n’a joui de tant de délices, nul n’a été si illustre et si sage, nul n’a été maître si puissant, nul n’a connu comme lui les événements passés. Mais quoi ! rien de tout cela ne l’a satisfait, et que dit-il après en avoir joui ? « Vanité des vanités, tout est vanité » (Id. 1, 2) Non pas vanité seulement, mais il s’exprime avec plus d’énergie. Croyons-en, je vous en conjure, un homme qui en a fait l’expérience, écoutons-le et entreprenons des choses où l’on ne trouve pas la vanité, mais où réside la vérité, où tout est solide et stable, où tout est fondé sur la pierre, où rien ne vieillit ni ne passe, où tout est florissant et jeune, où le temps n’a point d’action, où rien ne doit disparaître. Je vous en conjure, désirons sincèrement Dieu, non par la terreur de l’enfer, mais par le désir du royaume éternel. Dites-moi, en effet, qu’y a-t-il de semblable au bonheur de voir le Christ ? Rien assurément. Qu’y a-t-il de semblable à la jouissance des biens célestes ? Assurément rien. Biens « que l’œil n’a point vus, que l’oreille n’a point entendus, qui n’ont point pénétré dans le cœur de l’homme et que Dieu a préparés à ceux qui l’aiment ». (1Cor. 2,9)
Efforçons-nous de les obtenir, et méprisons les biens terrestres. Ne nous plaignons-nous pas souvent de ce que la vie de l’homme n’est rien ? Pourquoi donc cet empressement pour un rien ? Pourquoi se donner tant de peine pour un rien ? Vous considérez des habitations somptueuses ; est-ce cette vue qui vous trompe ? Levez donc les yeux au ciel, comparez-en la beauté avec ces pierres et ces colonnes, et vous verrez qu’elles ne sont qu’un ouvrage de fourmis et de moucherons. Adonnez-vous à la contemplation, élevez-vous vers les objets célestes, voyez de là ce que sont de somptueux édifices, et vous verrez qu’ils ne sont rien que des jeux de petits enfants. Vous savez que l’air devient plus subtil, plus léger, plus pur, plus transparent, à mesure que l’on s’élève ? C’est dans une semblable région qu’ont leurs demeures, leurs tabernacles, ceux qui pratiquent les œuvres de miséricorde. Toute habitation terrestre sera détruite à la résurrection, et, avant la résurrection, le temps, dans son cours, la détruit, la dissout, la fait disparaître. Souvent même, avant l’action du temps, dans l’éclat de la nouveauté, un tremblement de terre la renverse, un incendie la dévore ; car il y a des morts prématurées pour les édifices, comme il y en a pour les hommes : souvent, quand la terre est ébranlée, des bâtiments usés par le temps restent en équilibre, et ceux qui brillent de jeunesse, qui sont solides et nouvellement achevés, sont ébranlés et renversés par la foudre seule ; Dieu l’a réglé ainsi sans doute pour que nous ne soyons pas orgueilleux de nos constructions. Voulez-vous ne pas vous laisser décourager ? Allez dans ces édifices publics dont vous jouissez