Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/388

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bonté, mais ce qui l’est encore beaucoup plus, c’est que Dieu s’est fait esclave pour nous. Voilà ce qui excite surtout notre admiration et notre étonnement. Rien n’attire Dieu à nous comme la miséricorde. Tous les prophètes ne cessent de le répéter sur tous les tons. Mais quand je parle de miséricorde et d’aumône, je n’entends point parler de celle qui se fait de rapines. Ce n’est point là de la miséricorde. L’huile ne sort point de la racine des épines, elle ne sort que de l’olivier ; de même l’aumône ne peut sortir de la racine de l’avarice ou de l’injustice et des rapines. Ne ravalez pas l’aumône, ne l’exposez pas au mépris de tout le monde. Si vous ravissez pour faire l’aumône, votre aumône est tout ce qu’il y a de pire. Tout ce qui vient de rapines ne doit point s’appeler charité, mais cruauté, mais inhumanité, vraie barbarie qui attaque non seulement les hommes, mais Dieu même. Si Caïn l’offensa si fort autrefois seulement parce qu’il lui offrait ce qu’il avait de moindre, combien l’offensera plus celui qui lui offre le bien des autres. L’offrande n’est rien moins qu’un sacrifice, c’est un moyen de purification et non une souillure. Vous n’osez prier ayant les mains sales, et vous croyez, en offrant des biens de vos injustices, que Dieu souffrira l’impureté de ces offrandes ? Vous ne pouvez souffrir à vos mains des malpropretés qui sont sans crime, et vous en souffrez dans votre âme qui sont très criminelles ?

4. N’ayons donc point tant à cœur de faire nos offrandes et nos prières avec des mains nettes, que de n’offrir que des choses qui soient pures. Le contraire serait ridicule. Que diriez-vous, si l’on frottait avec soin une table pour la rendre propre et nette, et qu’on n’y servît ensuite que des choses dont la saleté ferait horreur ? Ne serait-ce pas une moquerie indigne ? Que nos mains soient nettes, à la bonne heure, mais de cette pureté que l’eau ne peut donner, et qui est peu de chose ; qu’elles aient cette pureté que la justice seule donne et qui est la pureté véritable. Si elles sont pleines d’injustices, lavez-les mille fois si vous voulez, vous n’y gagnerez rien. « Lavez-vous, soyez purs », dit le Prophète. (Isa. 1,16) Dit-il ensuite : Allez aux fontaines, allez aux bains, allez aux étangs, allez aux fleuves ? Nullement : mais, ôtez, dit-il, la malice de vos âmes. C’est là être pur, c’est là se purifier de ses souillures ; c’est là la netteté que Dieu demande. La pureté extérieure sert fort peu, mais la pureté intérieure nous donne accès auprès de Dieu et nous remplit d’une sainte confiance. La pureté extérieure peut se trouver chez les adultères, les voleurs, les homicides, les impudiques, les fornicateurs et les infâmes de toute espèce, et surtout chez eux. Ils ont un soin extrême de cette propreté du corps dont ils sont idolâtres, se parfumant des odeurs les plus exquises, et lavant leur corps qui n’est plus qu’un sépulcre, puisqu’il renferme une âme qui ne vit plus. Ils ont donc la pureté extérieure, mais ils ne peuvent avoir la pureté intérieure. Qu’avez-vous fait de considérable en nettoyant votre corps ? C’est une purification judaïque inutile et superflue, si la pureté intérieure vous manque. Qu’un homme ait le corps plein de pourriture et d’ulcères, il aura beau se laver le corps, ce sera en vain. Si donc l’eau ne peut servir de rien au-dehors à un corps corrompu et rempli d’infection, de quoi pourrait-elle servir quand c’est l’âme elle-même qui est remplie de corruption ?

Il nous faut des prières pures ; or les prières ne sauraient être pures, lorsque l’âme d’où elles sortent est souillée. Rien en effet ne rend l’âme plus impure que l’avarice et la rapine, Cependant beaucoup de personnes, après avoir commis une infinité de crimes pendant le jour, se lavent le soir, entrent hardiment dans l’église, et lèvent leurs mains pour prier, comme si par cette eau ils en avaient ôté toutes les souillures. Hélas ! si cela était, j’avoue que ces bains où vous allez tous les jours, vous seraient très-avantageux. Je m’y trouverais moi-même souvent, s’ils avaient la vertu de purifier nos péchés. Mais ce sont là des plaisanteries, des niaiseries, des puérilités. Ce n’est point de la saleté des corps, mais de l’impureté des âmes que Dieu a horreur, « Bienheureux », dit-il, « ceux qui sont purs de cœur (entendez-vous, purs de cœur, non de corps), parce qu’ils verront Dieu ». (Mat. 5,8) Et le Psalmiste, que dit-il ? « Créez en moi un cœur pur, ô Dieu », (Psa. 51,12) « Purifiez votre cœur de la malice », dit Jérémie. (Jer. 4,14) Il est très-avantageux de prendre de bonne heure de bonnes habitudes. C’est peu de chose que celle dont nous parlons ; cependant l’âme n’ose se présenter devant Dieu pour prier avant que de s’en être,