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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/411

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leur prince même ne vous verra qu’en tremblant. Si vous voulez vous faire craindre par vos richesses, les démons vous mépriseront et souvent les hommes. Ce que vous pouvez acquérir sur la terre n’est qu’une récompense vile et servile. Méprisez cela et vous serez grand dans le palais de votre Roi.

Tels étaient les apôtres, pour avoir méprisé une maison servile et les biens de ce monde. Et voyez comme ils commandaient dans le domaine de leur Seigneur et Maître. Qu’un tel, disaient-ils, soit délivré de sa maladie, tel autre, du démon. Liez celui-ci, déliez celui-là. Cela se passait sur la terre et était ratifié dans le ciel. « Tout ce que vous aurez lié sur la terre, sera lié dans le ciel ». (Mat. 18,18) Jésus-Christ a donné un plus grand pouvoir à ses serviteurs qu’il ne semblait en avoir lui-même, et il a vérifié ce qu’il avait dit : « Celui qui croit en moi fera de plus grandes choses que je n’en fais ». (Jn. 14,12) Pourquoi, sinon parce que la gloire de ce que font les serviteurs remonte, jusqu’à leur maître, comme parmi les hommes, plus un serviteur est puissant, plus son maître, est considéré. Si telle est la puissance du serviteur, dit-on, quelle ne sera pas celle du maître ? Mais si un serviteur, négligeant les intérêts et le service de son maître, ne pensait qu’à lui-même, à sa femme, à son fils, à son serviteur et ne travaillait qu’à s’enrichir, et à voler ou attraper par artifice le bien de son maître, n’est-il pas clair qu’il se perdrait bientôt lui-même avec ses richesses mal acquises ? Que ces exemples, mes frères, nous rappellent à nous-mêmes et nous empêchent de chercher nos intérêts particuliers, afin d’y pourvoir avec plus de sûreté et d’avantage par le mépris que nous en ferons. Car si nous les négligeons, Dieu s’en occupera ; si, nous nous en occupons, Dieu les négligera.

Travaillons aux affaires de Dieu et non pas aux nôtres, ou plutôt aux nôtres, puisque les siennes sont les nôtres. Je ne parle pas du ciel matériel, ni de la terre, ni de tout ce qui est dans le monde. Ce sont là des biens qui ne sont pas dignes de lui, et qui appartiennent aux infidèles comme à nous. Quels sont les biens que je dis être les biens de Dieu et les nôtres par lui ? C’est la gloire éternelle et le royaume céleste. Saint Paul nous assure que si nous mourons avec Jésus-Christ, nous vivrons aussi avec lui ; si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui. (2Ti. 3,11) Nous sommes ses cohéritiers et ses frères. (Rom. 8,17) Pourquoi nous rabaissons-nous vers la terre lorsque Dieu nous relève vers le ciel ? Jusques à quand demeurerons-nous volontairement dans notre pauvreté et notre misère ? Dieu nous propose le ciel, et nous n’avons des yeux et des désirs que pour la terre. On nous offre le royaume du ciel, et nous aimons mieux la pauvreté sur la terre ; on nous offre la vie éternelle, et nous nous consumons à remuer du bois, des pierres et de la terre. Devenez riche, je le veux bien ; gagnez et ravissez, il n’y a pas de mal à cela. Il y a un gain qu’on est coupable de ne pas rechercher ; il y a vol dont c’est un péché de s’abstenir. Qu’est-ce à dire ? « Le royaume des cieux », dit le Sauveur, « souffre violence, et ce sont les violents qui le ravissent ». (Mat. 11,12) Soyez violent en ce sens ; soyez un ravisseur ; ce que vous ravissez de la sorte ne diminuera pas. La vertu ne se partage pas, non plus que la piété et le royaume du ciel. La vertu s’augmente à la ravir, c’est le contraire pour les biens corporels. Par exemple, je suppose une cité dans laquelle il y a dix mille citoyens. Si tous ravissent la vertu et la justice, il est clair qu’ils la multiplieront, puisqu’elle sera dans les dix mille tous ensemble. Si au contraire ils ne la ravissent point, ils la diminueront évidemment puisqu’elle ne sera plus nulle part.

5. Comprenez-vous que les vrais biens se multiplient à les ravir, et que les faux biens diminuent ? Ne croupissons pas dans une lâche pauvreté, mais enrichissons-nous. La richesse de Dieu consiste dans le grand nombre de ceux qui jouissent de son royaume. « Il est riche en tous ceux qui l’invoquent ». (Rom. 10,12) Augmentez donc sa richesse. Vous l’augmenterez si vous ravissez son royaume, si vous le gagnez, si vous l’emportez d’assaut. Il faut réellement pour cela de la violence. Pourquoi ? Parce qu’il y a beaucoup d’obstacles à vaincre, les femmes, les enfants, les soucis, les affaires temporelles, après cela les démons, et surtout leur prince, le diable. Il faut donc de la force, il faut de la persévérance. Celui qui fait violence est dans la peine, parce qu’il supporte tout, parce qu’il résiste à la nécessité. Il tente presque à l’impossible. Voilà ce que font les violents, et nous, nous ne tentons pas même le possible,