Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/456

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cela, ces paroles adoucies : « Pour ne pas te dire que tu te dois toi-même à moi ». Il ne dit pas seulement : Tes biens, mais : « Toi-même ». S’il parle ainsi, c’est un effet de son affection, il se conforme aux lois de l’amitié, il indique qu’il a en Philémon une grande confiance. Voyez-vous comme partout il prend soin et de montrer une grande sollicitude pour Onésime dans ses demandes, et d’empêcher que cela ne paraisse une marque de défiance pour Philémon ?
« Oui, mon frère ». Que faut-il entendre par ces mots : « Oui, mon frère ? » Reçois-le dit-il, car c’est là ce qu’il faut sous-entendre. Il laisse ici de côté le gracieux pour revenir à son sujet, aux choses sérieuses. Du reste, ce qu’il vient de dire est sérieux aussi, car tout ce qui sort de la bouche ; des saints est sérieux bien que de temps en temps ils puissent employer les grâces du discours. « Oui, mon frère, que je reçoive ce plaisir de toi en Notre-Seigneur ; réjouis mes entrailles en Notre-Seigneur » : c’est-à-dire accorde la grâce que je te demande, non pas à moi, mais au Seigneur. Par « mes entrailles », il veut dire : Les entrailles de père que j’ai pour toi. Quel rocher ne se laisserait fléchir par ces paroles ? Quel monstre ne se laisserait adoucir par elles, et ne se préparerait à recevoir Onésime avec une véritable tendresse ? Après lui avoir reconnu de si grandes vertus, il ne craint pas de s’excuser une seconde fois. Il ne lui dit pas simplement de l’excuser, il ne le lui commande pas, il ne montre pas de présomption, il s’exprime ainsi : « Je t’ai écrit, étant persuadé de ton obéissance ». Ce qu’il avait dit au début : « Bien que j’aie une grande liberté en Jésus-Christ de te commander », il le répète ici au moment de sceller sa lettre. – « Et sachant que tu feras même plus que je ne te dis » : c’est encore un moyen de l’exciter que de lui dire cela. Car n’eût-il pas fait plus, au moins il aurait eu honte de ne pas faire autant qu’il lui était demandé, lorsque saint Paul avait de lui cette idée qu’il ferait plus qu’il ne lui disait.
« Mais aussi en même temps prépare-moi un logement, car j’espère que je vous serai donné par vos prières ». Ces paroles montrent une grande confiance, mais c’était bien plus encore dans l’intérêt d’Onésime qu’il parlait ainsi ; il voulait que ses maîtres ne fussent pas négligents et que sachant qu’à son retour il connaîtrait parfaitement l’état des choses, ils perdissent tout souvenir du tort qui leur avait été fait, et se montrassent plus bienveillants. C’était une grande grâce, un grand honneur que d’avoir Paul chez toi, et Paul à un tel âge, et Paul après sa sortie de prison ! D’autre part nous avons un témoignage de l’amour que cette maison lui portait, car l’apôtre dit qu’ils priaient pour lui, et il accorde un grand prix à leurs prières. En effet, bien que je sois environné de dangers, dit-il, vous me verrez, si vous priez.
« Epaphras qui est prisonnier avec moi en Jésus-Christ, te salue » : il avait été envoyé chez les Colossiens, et c’est une nouvelle preuve que Philémon était de ce pays. Il l’appelle son compagnon de captivité et montre par là qu’il, était dans une grande affliction ; de sorte que quand il ne l’aurait pas écouté par amour pour lui-même, il aurait dû le faire par affection pour celui-ci. Car celui qui est dans l’affliction et qui néglige ses propres intérêts pour s’occuper de ceux des autres, doit être écouté. En outre, c’est encore un moyen de l’exhorter ; en effet si l’un de ses concitoyens est devenu le compagnon de l’apôtre dans ses fers et dans ses tourments, comment Philémon refuserait-il d’accorder à son esclave la grâce qu’on lui demande ?
Saint Paul ajoute : « Prisonnier avec moi en Jésus-Christ », c’est-à-dire, pour Jésus-Christ. « Ainsi que Marc et Aristarque, et Démas, et Luc mes aides et mes compagnons ». Pourquoi parle-t-il de Luc en dernier lieu, lorsqu’il dit ailleurs : « Luc est seul avec moi ? » Et Démas, dit-il, est un de ceux qui m’ont abandonné et qui ont aimé le présent siècle. (2Tim. 4,11, 9) Bien que ces phrases soient d’une autre épître, il ne faut pas les laisser passer sans discussion, ni les entendre sans attention. Comment peut-il dire que celui qui l’a abandonné salue Philémon ? Car « pour Eraste », dit-il, « il est resté à Corinthe o. (2Tim. 4,20) Il ajoute Epaphras parce qu’il était connu de Philémon et qu’il était de la même ville, et Mare, à cause de son grand mérite : mais pourquoi met-il aussi Démas ? Peut-être qu’il se relâcha lorsqu’il vit autour de lui mille dangers, et c’est ainsi que Luc qui était le dernier serait devenu le premier. Il salue Philémon de leur part pour l’exhorter avec plus de force à l’obéissance, et il les appelle ses coopérateurs pour le forcer par ce