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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/46

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de cœur » (Jn. 13,14) ; et ailleurs : « Si j’ai fait ainsi pour vous, moi votre Seigneur et votre Maître, combien plus devez-vous le faire vous-mêmes ? » (Mt. 11,29) Voyez-vous quel modèle il choisit ? Il ne faut pas en effet qu’un modèle soit inférieur : c’est là une règle que nous gardons nous-mêmes.
Or, dans la question présente, l’exemple, entendu comme les hérétiques, n’approche même pas du terme où il doit nous conduire. Comment cela ? C’est que, si vous me proposez un esclave comme modèle, c’est un être inférieur, soumis par droit à un plus grand que lui : je n’y reconnais point d’humilité. C’est le contraire que vous deviez faire ; il fallait nous montrer un plus grand obéissant à un plus petit. Mais comme l’apôtre ne trouvait en Dieu rien de semblable, je veux dire, une personne plus grande et une autre moindre, il a établi leur parfaite égalité.
Si le Fils avait été inférieur au Père, son exemple ne valait plus et ne pouvait servir à saint Paul, pour commander l’humilité. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’humilité à ne pas attaquer plus grand que soi, à ne pas usurper une dignité, à obéir jusqu’à la mort.
Souvenez-vous, d’ailleurs, d’une recommandation qui accompagne cet exemple. Saint Paul disait tout à l’heure : « Que chacun de vous par esprit d’humilité croie les autres au-dessus de soi ». – « Que chacun croie », dit-il ; en effet, puisqu’à l’égard de la nature vous êtes une même chose, et que la grâce que vous avez reçue de Dieu vous rend tous égaux, l’humilité ne peut plus être que dans les sentiments. Mais quand il parle de plus petits et de plus grands, il ne dit plus : Supposez et croyez ; mais : Honorez ceux qui sont au-dessus de vous ; c’est sa parole dans un autre passage : « Obéissez à vos supérieurs et soyez-leur soumis ». (Héb. 13,17) Au cas actuel, saint Paul demande la soumission d’après la nature même des choses ; tandis qu’au cas précédent, elle doit venir de notre libre jugement. « Que chacun par un sentiment d’humilité croie les autres au-dessus de soi » : et c’est bien là ce qu’a fait Jésus-Christ lui-même.
Ces réflexions suffisent à renverser le système hérétique. Il nous reste à exposer notre doctrine. Auparavant résumons ici cette controverse : Non, saint Paul, conviant les fidèles à la pratique de l’humilité, n’a pas dû produire en exemple un inférieur obéissant à un supérieur. S’il avait voulu prêcher simplement l’obéissance, celle que des serviteurs doivent à leur maître, à la bonne heure ! Mais lorsqu’il s’agit de conseiller à l’homme libre de s’abaisser devant l’homme libre, que peut faire en pareil cas la soumission de l’esclave à son maître ? de l’inférieur envers son supérieur ? – Aussi bien n’a-t-il pas dit que le plus petit obéisse au plus grand ; mais obéissez-vous les uns aux autres, bien que vous soyez d’égale dignité. « Croyez les autres au-dessus de vous ». Pourquoi n’a-t-il pas cité plutôt l’obéissance imposée à la femme ? Ainsi que la femme obéit au mari, aurait-il dit, ainsi vous-mêmes obéissez. S’il n’a pas apporté l’exemple des époux, entre lesquels, après tout, se trouve égalité et liberté ; s’il l’a évité, parce qu’il s’y rencontre cependant une certaine dépendance, combien moins aurait-il mis en avant l’exemple de l’esclave ? – Au reste, j’ai commencé par faire remarquer qu’on ne louera personne, qu’on ne voudra pas même citer qui que ce soit, pour le seul mérite de ne pas être un criminel. Pour célébrer, la chasteté d’un homme, on ne dira jamais qu’il ne fut point adultère ; on le vantera, par exemple, de n’avoir pas même usé de son épouse. S’abstenir d’actions honteuses ne sera jamais à nos yeux un sujet de gloire ; la gloire ici serait ridicule.
J’ai ajouté que « la forme de l’esclave » était vraie, et rien moins que l’esclave lui-même par conséquent que « la forme de Dieu » est parfaite et rien moins que Dieu. Mais pourquoi est-il dit, non pas qu’il a été fait dans la forme de Dieu, mais qu’ « il y était ? » Cette expression équivaut à celle-ci : « Je suis celui qui suis ». La forme, en tant que forme, annonce identité de nature ; il ne se peut que la forme soit la même quand l’essence est différente ; que, par exemple, l’homme ait la forme angélique ; que la brute ait la forme humaine. Alors, concluez : Qu’est-ce que le Fils ?
En nous, il est vrai, en nous qui sommes composés de deux substances, la forme appartient au corps : mais en CELUI qui était parfaitement simple et sans composition, la forme, évidemment, appartient à son essence et la désigne.
Que si, parce que le texte porte « en forme de Dieu[1] », έν μορφῆ Θεοῦ, sans article, vous

  1. Les ariens prétendaient que le mot Dieu, qui en grec admet l’article « le Dieu » signifiait le Père ; mais que, sans l’article, Dieu simplement indiquait le Fils. Le saint les réfute victorieusement.