Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ai-je, enfin, à y gagner ? Ah ! bien mieux aimerais-je à vous entretenir continuellement des biens du royaume céleste, de ce repos, de ces ondes qui désaltèrent pleinement, de ces pâturages verdoyants et joyeux, comme les appelle le prophète : « Il m’a élevé auprès des eaux rafraîchissantes, il m’a placé au milieu de gras pâturages ». (Ps. 22,2) Oui, j’aimerais à vous parler de ce lieu, d’où sont bannis la douleur, le deuil, les chagrins. J’aimerais raconter le bonheur qu’on goûte dans un séjour avec Jésus-Christ, bien qu’il dépasse tout langage et même toute pensée. J’aimerais néanmoins à user toutes mes forces sur cet éternel et délicieux sujet, mais que ferais-je alors ? Car il n’est pas possible de parler de royaume à un malade brûlé par la fièvre. Tant que dure son périlleux état, il faut traiter de sa guérison ; tant que la peine et le châtiment le menacent, il messiérait de lui parler de gloire. On n’a qu’un but, en ce cas ; c’est de le sauver de la peine, du supplice ; si nous n’atteignons ce premier résultat, comment espérer l’autre ? Continuellement donc je vous entretiens du mal à redouter, pour vous faire arriver au bien que vous désirez. Car si Dieu lui-même nous a menacés de l’enfer, c’est pour que personne ne tombe en enfer ; c’est pour que tous nous arrivions à la couronne. Ainsi nous-mêmes nous ne cessons pas de vous parler d’enfer, pour vous relever jusqu’à l’espoir d’un trône, pour fléchir d’abord vos cœurs sous la crainte et les décider à pratiquer ce qui fait mériter la palme.
Veuillez donc supporter sans chagrin le poids de nos paroles. Ce poids de ma parole aura l’avantage d’alléger vos âmes du fardeau de leurs péchés. Le fer, aussi, les marteaux ont du poids ; et cependant on fabrique avec eux les vases d’or et d’argent ; on redresse les objets tors ; si les outils étaient moins lourds, ils deviendraient impuissants à redresser un corps tordu. Ainsi le poids de nos reproches peut façonner vos âmes au bien. Ne cherchez donc pas à éviter ni leur pesanteur, ni leurs coups salutaires ; on ne vous blesse jamais pour briser et déchirer vos âmes, mais pour les corriger. Nous savons, en effet, grâce à Dieu, dans quelle mesure il faut frapper, et quelle doit être l’intensité de nos coups, afin que, sans jamais briser le vase, ils puissent le guérir, le restaurer, le remettre en état de servir au divin Maître ; de telle sorte que la réparation le présente avec un nouveau lustre, avec une forme et une ciselure irréprochable, au grand jour où doit couler le fleuve de feu, et qu’il ne devienne pas la pâture du bûcher que l’éternité entretiendra.
Si vous ne passez ici-bas par le feu de la parole, vous passerez infailliblement dans l’autre vie par le feu de l’enfer, puisque « le jour du Seigneur se révélera par le feu ». (1Cor. 3,13) Mieux vaut qu’un instant notre parole vous brûle, que la flamme dont parle ici l’apôtre. Cet avenir éternel, en effet, est d’une certitude absolue ; souvent je l’ai prouvé par des raisons sans réplique ; les saintes Écritures suffiraient pour vous en donner la pleine conviction. Mais plusieurs étant portés à la discussion, nous y avons ajouté maints raisonnements. Rien n’empêche que maintenant même nous ne les apportions encore. — Qu’avions-nous dit ? Dieu est juste, nous l’avouons ; gentils et juifs, hérétiques et chrétiens. Or, bien, des pécheurs sortent de ce monde sans être punis ; bien des hommes de vie vertueuse en sont sortis de leur côté après avoir subi mille calamités. Donc, si Dieu est juste, en quel lieu donnera-t-il aux uns la récompense, aux autres le supplice, s’il n’y a pas d’enfer, s’il n’y a pas de résurrection ? Ce raisonnement, répétez-le toujours aux autres et à vous-mêmes ; il ne vous laissera pas un doute sur la résurrection. Or, quand on croit à la résurrection, sans ombre de doute, on apporte tous les soins, toute l’attention possible à mettre son âme en état de gagner les biens éternels. Puissions-nous tous y parvenir, par la grâce et bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, en l’unité du Père et du Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.