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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/534

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S’il n’était pas tout cela, s’il devait offrir plusieurs sacrifices, il faudrait qu’il fût plusieurs fois crucifié : « Autrement », dit-il, « il aurait fallu qu’il eût souffert plus d’une fois depuis la création du monde (26) ».
Mais voici une parole profonde et mystérieuse : « Au lieu », dit-il, « qu’il n’a souffert qu’une fois vers la fin des siècles ». Pourquoi : « Vers la fin « des siècles ? » Après de nombreux péchés commis dans le monde. Si tout s’était passé dès le commencement, personne ne l’aurait cru ; et son incarnation avec tous ses dévouements devenaient inutiles ; Jésus-Christ, en effet, n’aurait pu convenablement mourir deux fois. Mais après un long règne du péché, il convenait qu’il se montrât. C’est, au reste, ce qu’il dit ailleurs : « Où le péché a abondé, la grâce a surabondé ». (Rom. 5,20) « Et maintenant une seule fois vers la fin des siècles, il a souffert pour abolir le péché en s’offrant lui-même pour victime ».
2. « Et comme il est arrêté que tous les hommes meurent une fois, et qu’ensuite ils soient jugés… (27) ». Après avoir prouvé que Jésus-Christ n’avait pas besoin de subir la mort plus d’une fois, saint Paul nous apprend pourquoi il dut mourir une fois. Il est établi, dit-il, pour tous les hommes de mourir une fois, voilà donc pourquoi il est mort une fois pour tous les hommes. Mais, dès lors, comment ? Est-ce que nous ne subissons plus la mort dont il s’agit ici ? Sans doute, oui, nous la subissons, mais non pour y demeurer ; et déjà ce n’est plus mourir. Car la tyrannie de la mort, sa terrible réalité existe tout entière quand le mort n’a plus pouvoir de revenir à la vie. Que s’il revit après le coup fatal, et surtout s’il retrouve une vie meilleure, non ce n’est plus une mort, c’est un sommeil. Or, comme nous étions condamnés à rester toujours captifs sous cette main de la mort, le Sauveur est mort précisément pour nous délivrer.
« Ainsi Jésus-Christ a été offert une seule fois (28) ». Par qui, offert ? Far lui-même, ce qui montre en lui non seulement le prêtre, mais encore la victime et le sacrifice. Ensuite l’apôtre nous donne la raison de cette oblation : « Offert une fois », dit-il, « pour effacer les péchés de plusieurs ». Pourquoi de plusieurs et non pas de tous ? Parce que tous n’ont pas cru. Il est mort pour les sauver tous ; il a fait, en ceci, tout son devoir. Cette mort divine équivalait à la mort de tous les hommes ; mais elle n’a ni éteint, ni levé les péchés de tous les hommes, parce qu’eux-mêmes s’y sont refusés. Mais qu’est-ce que « lever les péchés ? » Cette expression rappelle notre prière à l’offertoire, alors que présentant nos péchés, nous disons : « Que nous a ayons péché volontairement ou involontaire« ment, Seigneur, pardonnez-nous ». Ainsi les lever, c’est nous en souvenir, et en implorer aussitôt le pardon. C’est exactement ce qui s’est fait par Notre-Seigneur. Et quand l’a-t-il fait ? Écoutez sa réponse : « Pour eux, je me sanctifie moi-même ». (Jn. 17,19) Il a enlevé aux hommes leurs péchés et les a offerts à son Père, non pour requérir contre eux, mais pour les leur remettre ; « Et la seconde fois il apparaîtra sans péché pour le salut de ceux qui l’attendent sans péché ». Qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire qu’il ne viendra plus pour effacer nos péchés, pour anéantir nos iniquités, pour mourir de nouveau. Car s’il est mort, ce n’est pas qu’il dût ce tribut à la nature, ce n’est pas non plus qu’il eût péché. « Il apparaîtra », comment ? Comme vengeur, pouvait-il dire ; mais laissant cette parole, il en prononce une bienheureuse et bien douce : « Il apparaîtra sans péché, pour le salut de ceux qui l’attendent », pour que désormais ils n’aient plus besoin de sacrifices ; pour les sauver enfin, mais d’après leurs œuvres.
« Car la loi n’ayant que l’ombre même des biens à venir et non l’image même des choses réelles », c’est-à-dire qu’elle n’en avait pas la vérité. Car jusqu’à ce qu’on pose les couleurs sur un tableau, ce n’est qu’une ébauche ; mais quand le dessin a disparu sous la couleur, c’est un portrait. La loi, c’était quelque chose de pareil. Reprenons : « Car la loi n’ayant que l’ombre des biens à venir et non la vérité même des choses (entendez le vrai sacrifice, la vraie rémission des péchés), malgré les mêmes victimes qu’on ne cesse d’offrir, elle ne peut rendre justes et parfaits ceux qui s’approchent de l’autel. Autrement on aurait cessé de les offrir, parce que ceux qui lui rendent ce culte n’auraient plus senti leur conscience chargée de péchés, en ayant été une fois purifiés. Et cependant on y fait mention de nouveau tous les ans des péchés. Car il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte le péché. C’est pourquoi le Fils de Dieu entrant dans le monde, dit : Vous n’avez pas voulu d’hostie ni d’oblation ; mais vous m’avez formé un corps. Vous n’avez point agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Me voici ; il est écrit de moi à la tête du livre : Je viens, mon Dieu, pour faire votre volonté. Après avoir dit : Vous n’avez point voulu et vous n’avez point agréé les hosties, les oblations, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, qui sont toutes choses qui s’offrent selon la loi ; il ajoute ensuite : Me voici, je viens pour faire, ô Dieu, votre volonté. Il abolit ces premiers sacrifices, pour établir le second ». (10,1-9) Vous voyez quelle abondance de preuves. Notre victime est unique, dit-il ; les vôtres nombreuses ; et leur grand nombre même prouve leur impuissance.
3. En effet, dites-moi, à quoi bon plusieurs victimes, quand une seule suffît ? Leur nombre et leur offrande perpétuelle montrent que ceux qui les offrent ne sont pas purifiés. Quand un médicament est fort, capable de rendre la santé et de guérir entièrement la maladie, il suffit de le prescrire une fois pour qu’il opère tout son effet. Et si, prescrit une fois, il a opéré parfaitement, sa force est démontrée par cela seul qu’on ne l’ordonnera plus ; son action est évidente, par cela même qu’on n’y fait plus appel. Au contraire, s’il faut le répéter toujours, c’est qu’évidemment il est sans vertu ; car le propre d’un spécifique, c’est d’être prescrit une fois et non pas souvent. Appliquez ici cette comparaison. Pourquoi enfin faut-il toujours