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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/54

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notre chair pécheresse. Eh bien ! comme l’apôtre se servait alors de cette expression de « ressemblance », parce que, de fait, il n’y avait pas entre notre chair et la sienne complète égalité, de même ici la ressemblance est encore mentionnée, pour rappeler qu’entre elles encore tout n’est pas égal ; qu’ainsi, par exemple, le Fils ne passa point par la naissance ordinaire, par le péché, par tout ce qui fait enfin l’homme pur et simple. Son mot, fait « comme l’homme » est donc d’une admirable vérité, puisqu’il n’était pas l’un d’entre nous, mais comme un d’entre nous. Dieu Verbe, il n’a pas dégénéré en homme ; sa substance n’a pas changé : mais il s’est montré comme un homme, sans toutefois nous tromper par un corps fantastique, mais pour nous apprendre l’humilité. Ainsi quand il écrit : « Comme l’homme », son intention est claire ; car en plus d’un autre passage, il l’appelle homme expressément, comme dans celui-ci « Il n’y a qu’un Dieu, et qu’un médiateur homme, Jésus-Christ ». – Nous avons épuisé ce que nous devions dire contre les adversaires du corps de Jésus ; quant à ceux qui nient qu’il ait pris une âme avec ce corps, il faut leur dire : Si la forme de Dieu est un Dieu parfait, bien certainement aussi la forme de l’esclave est aussi l’esclave parfait.
Maintenant revenons aux ariens : « Étant » dit saint Paul, « dans la forme de Dieu, il n’a pas cru que ce fût une usurpation d’être l’égal de Dieu ». Dès qu’il parle de la divinité du Fils, il ne se sert jamais des expressions : Il « a été fait », il « a pris » ; mais écoutez-le désigner son humanité : Il s’est anéanti lui-même en « prenant » la forme de l’esclave ; et il a « été fait » à la ressemblance des hommes. Vous retrouvez les deux termes qu’il évitait d’abord : Il s’est fait homme, mais il était Dieu. Gardons-nous autant de confondre (les natures) que de les séparer (de la seule et unique personne du Fils). En lui, un seul Dieu, un seul est le Fils de Dieu : « un », cependant, vous dirai-je, par, union mais non par mélange ni confusion ; cette nature infinie de Dieu, tout en s’adjoignant l’autre nature, n’a pas dégénéré, elle lui est simplement unie.
« Il s’est humilié lui-même, s’étant fait obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix ». Les hérétiques interprètent aussitôt qu’il s’est fait obéissant, parce qu’il était loin d’être l’égal du Père auquel il obéissait.
Ô stupides et insensés adversaires ! comme si cette conduite admirable retirait au Fils la moindre perfection ! comme si nous-mêmes nous ne savions pas obéir à nos amis, sans descendre cependant devant eux ! C’est en toute spontanéité que le Fils se soumet à son Père ; loin d’être servile, cette obéissance est glorieuse et parfaitement convenable à la dignité du Fils unique, tout en rendant à son Père un incomparable honneur. Il honore son Père oui, mais garde-toi de le déshonorer, lui, ce Fils véritable de Dieu ; aime plutôt à le vénérer davantage, à reconnaître d’autant mieux son titre de Fils, que lui-même honore plus admirablement ce Père de toutes choses. Jamais Dieu n’a eu un tel adorateur. Plus sa dignité était sublime, plus son humilité a été profonde. Si rien ne l’égale, rien n’égale non plus l’honneur qu’il rend à son Père, librement et sans contrainte. Ici plus qu’ailleurs sa vertu éclate et pour la peindre, je sens que les expressions me font défaut.
Ciel ! quel mystère ineffable qu’il se fasse esclave ! mais qu’il subisse volontairement la mort, c’est plus écrasant ; et il trouva le moyen de surpasser encore ce double sacrifice, moyen qui dépasse notre pensée même. Qu’est-ce donc ? c’est que parmi tant de genres de mort si différents, celle que le Seigneur endura était regardée comme la plus honteuse ; elle était le comble de l’ignominie, le dernier terme de l’exécration. « Maudit soit », disait l’Écriture, « celui qui est pendu au gibet ! » (Deut. 21,23) Aussi, les Juifs affectèrent de lui choisir ce supplice pour le rendre infâme, afin que si sa mort violente ne pouvait suffire à détacher de lui jusqu’au dernier de ses disciples, au moins il ne lui en restât plus un seul à la vue de cette mort exécrée. Aussi voulurent-ils encore qu’on le crucifiât entre deux brigands, pour qu’on eût de lui et d’eux, même mépris, et que la parole de l’Écriture s’accomplît : « Il a été compté au nombre des scélérats ». (Is. 53,12)
Mais la vérité, par là même, brilla d’un plus vif éclat. Bien plus beau, bien plus admirable apparaît, en effet, ce spectacle du calvaire, lorsque sa gloire attaquée par tant d’ennemis, malgré leurs mille artifices, en dépit de toutes leurs machines de guerre, ressort cependant et nous éblouit de sa magnificence. Ces misérables, pour l’avoir tué, et tué avec cet appareil, comptaient bien avoir fait de lui un objet