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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/544

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dirons-nous ? Que saint Paul ici ne détruit ni la pénitence, ni l’expiation qui en est l’œuvre ; et qu’il ne prétend ni chasser, ni abattre par le désespoir celui qui est tombé. Paul n’est pas à ce point l’ennemi de notre salut ; il ne détruit que l’espoir d’un second baptême. En effet, il ne dit pas : Point de pénitence ! plus de pardon ! mais simplement. Désormais pas de victime, c’est-à-dire, la croix, qu’il appelle victime, ne se dressera pas une seconde fois. Une seule immolation a rendu parfaits à tout jamais ceux qui se sont sanctifiés, à la différence de l’oblation judaïque et des offrandes multipliées. Tel a été le dessein de l’apôtre, quand, parlant de notre victime, il a si fort insisté sur cette vérité, qu’elle est une, absolument une ; voulant ainsi, non seulement montrer l’avantage qu’elle a sur les sacrifices judaïques, mais aussi pour rendre plus vigilants les Hébreux convertis, puisqu’ils ne doivent plus attendre une nouvelle victime comme autrefois sous l’ancienne loi.
« Si nous péchons volontairement », dit-il. Voyez-vous comme Dieu est porté à la clémence ? Il s’agit de nos péchés volontaires : nos fautes involontaires obtiennent donc le pardon. — « Après avoir reçu la connaissance de la vérité », c’est-à-dire de Jésus-Christ ou de tous ses dogmes, « il ne nous reste plus d’hostie pour nos péchés » ; que reste-t-il, au contraire ? « Une attente effroyable du jugement, un feu jaloux qui doit dévorer les ennemis de Dieu ». Ainsi les infidèles n’en seront pas seuls les victimes, mais tous ceux encore qui commettent des actes contraires à la vertu ; ou bien entendez que le même feu qui dévorera les ennemis, consumera aussi les enfants rebelles. Puis, pour nous montrer combien ce feu est dévorant, il lui prête une espèce de vie, en déclarant que c’est un feu jaloux qui doit consumer les ennemis. Pareille à une bête féroce irrite, exaspérée, qui n’a point de repos jusqu’à ce qu’elle ait saisi et dévoré quelqu’un, cette flamme de l’enfer parait obéir à l’aiguillon de la jalousie cruelle, saisit pour ne plus lâcher, ronge et déchire à tout jamais.
Ensuite l’apôtre nous donne la raison de ces menaces redoutables, et nous prouve qu’elles sont l’effet d’une justice inattaquable. Nous croirons, en effet, plus facilement l’existence du châtiment, quand nous en comprendrons le droit et le motif. « Celui qui a violé la loi de Moïse est condamné à mort sans miséricorde, sur la déposition de deux ou trois témoins (28) ». Sans miséricorde, remarque-t-il ; ainsi en Israël, ni pardon, ni pitié ; et pourtant ce n’est que la loi de Moïse ; il est l’auteur d’un grand nombre de ses prescriptions. Que veut dire : « La déposition de deux ou trois témoins ? » Que si deux ou trois personnes attestent la prévarication, aussitôt elle est punie. Si donc, dans l’Ancien Testament, une violation de la loi de Moïse est châtiée immédiatement par le dernier supplice, combien plus chez nous ! Aussi conclut-il : « Combien donc croyez-vous que méritera de plus grands supplices, celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui aura tenu pour chose vile et profane le sang de l’alliance, et qui aura fait outrage à l’Esprit de la grâce (29) ! »
2. Mais comment un homme foule-t-il aux pieds le Fils de Dieu ? C’est quand, admis à participer à ses mystères, il commet, nous dit l’apôtre, un péché grave. Alors n’est-il pas vrai qu’il le foule aux pieds ? N’est-il pas vrai qu’il le méprise ? Nous foulons aux pieds ainsi ce dont – nous ne faisons aucun cas : ainsi les pécheurs ne tiennent aucun cas de Jésus-Christ, et c’est là le caractère du péché. Quoi ! vous êtes devenu le corps de Jésus-Christ, et vous le jetez sous les pieds du démon ! – « Il a tenu pour vil et profane le, sang de l’alliance ». Qu’est-ce qu’une chose vile et profane ? C’est une chose impure, ou qui n’a rien de plus que la plus vile matière.- « Il a fait outrage à l’Esprit « de grâce » ; car ne pas accepter un bienfait, c’est faire outrage au bienfaiteur. Il t’a fait son enfant ; tu veux devenir esclave ? Il est venu, il a fait en toi son séjour ; et tu laisses entrer en ton cœur de coupables pensées ? Jésus-Christ a voulu, chez toi, faire sa demeure, avoir une place ; et tu le foules aux pieds par le libertinage ou l’ivrognerie ? Écoutons, écoutons, nous qui participons indignement aux saints mystères ; nous qui indignement approchons de la table sainte ! « Gardez-vous de donner les choses saintes aux chiens », dit le Seigneur, « de peur qu’ils ne les foulent aux pieds » (Mt. 7,6) ; c’est-à-dire de peur qu’ils n’aient pour elles que du mépris et du dégoût. Paul n’a pas seulement répété cette parole ; il en a fait retentir une plus redoutable encore, bien capable de terrifier les âmes, et meilleure pour les faire rentrer en elles-mêmes qu’une douce et consolante exhortation. Il montre combien le sang de Jésus-Christ l’emporte sur la loi de Moïse, quel châtiment était infligé aux violateurs de celle-ci, puis il conclut en disant : Jugez vous-mêmes combien plus grande doit être la punition de ceux qui foulent aux pieds le sang de Dieu ! Je vois là une allusion aux sacrilèges commis contre nos saints mystères ; et ce qui suit confirme cette interprétation.
« C’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant ; car il est écrit : La vengeance m’est réservée et je saurai bien la faire, dit le Seigneur ». Et encore : « Le Seigneur jugera son peuple (30 et 31) ». Nous tomberons, dit-il, dans les mains du Seigneur, et non pas dans les mains des hommes. Oui, cette main divine vous attend, si vous ne faites pénitence. O terreur ! ce n’est rien, après tout, que de tomber aux mains des hommes ; et quand nous verrons un homme puni en ce monde, nous dit l’apôtre, ne craignons pas pour lui le présent, tremblons pour son avenir ! « Car autant le Seigneur a de miséricorde, autant est grand son courroux, et sa fureur s’appesantira sur les pécheurs ». (Sir. 5,7)
Mais l’apôtre nous laisse deviner ici une autre leçon. « La vengeance m’est réservée », dit le Seigneur, « et je saurai la faire ! » Cette menace atteint l’ennemi qui vous fait du mal, et non pas vous qui subissez l’injustice. Ceux-ci, au contraire, l’apôtre les console en leur disant, presque en propres termes : Dieu est vivant, il demeure éternellement… Que si ceux-là ne reçoivent pas dès