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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/581

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sa honte devrait être de parader avec toute une escorte. Quoi ! pareils à des marchands de moutons, ou à ces cabaretiers qui vendent des esclaves, vous vous feriez une espèce de gloire à paraître avec un nombreux cortège de serviteurs ! Faste et vaine gloire, en vérité ; lorsque la modestie, en cela, est une preuve de sagesse et d’honorabilité. Non, il ne faut pas que voire dignité se prouve par la multitude de vos suivants : où est la vertu, à posséder toute cette valetaille ? Ce n’est certes point une vertu de l’âme ; et ce qui ne prouve point une âme vertueuse, ne démontre pas non plus une âme bien née. Quand une dame est contente de peu, elle prouve mieux sa dignité native ; quand elle a besoin de tant d’accessoires, elle n’est qu’une servante, plus abaissée même qu’une esclave.
5. Répondez-moi ? Les anges ne parcourent-ils pas notre terre habitée, seuls et sans avoir besoin de quelqu’un qui les suive ? Et, parce que nous avons ce besoin nous-mêmes, estimerons-nous inférieurs ceux qui peuvent s’en passer ? S’il est donc dans la nature de l’ange de n’avoir ainsi besoin ni de laquais, ni de suivant, quelle est, parmi les femmes, celle qui se rapproche le plus de cette nature, angélique ? Est-ce celle à qui tant de serviteurs sont indispensables, ou celle qui se contente d’en avoir bien peu ? Et mieux que cette dernière encore, celle qui n’en a pas du tout, n’a-t-elle pas le bonheur de se montrer sans être remarquée ? Être remarquée, en effet, ne voyez-vous pas que, pour une femme, c’est une honte ? Or quelle est celle qui attire les regards de toute une place publique ? Est-ce celle qui porte une toilette brillante, ou celle qui est vêtue simplement, sans parure, sans luxe ni apprêt ? Laquelle encore fait tourner de son côté tous les yeux de la foule stationnant au forum ? Est-ce celle qui se fait traîner par des mules aux housses dorées, ou bien celle qui marche sans appareil, naturellement, mais avec bienséance et distinction ? Celle-ci ne passe-t-elle pas inaperçue de tous nos regards, tandis qu’on se presse pour voir l’autre, et que même on se demande : Qui est-elle ? D’où sort-elle ? Ne parlons pas des jalousies qu’elle excite. Mais, dites-moi seulement : Où est la honte ? Est-ce de se faire remarquer ou de passer sans être vue ? Quand est-ce qu’il faut rougir davantage quand tous les yeux sont sur elle, ou quand nul ne l’aperçoit ? Quand tout le monde s’informe de ce qu’elle est, ou bien quand on ne s’occupe même pas de sa personne ?
Voyez-vous comme nous faisons tout, non pour une sainte honte, mais pour la vaine gloire ? Mais, comme il est impossible de nous soustraire entièrement à ces préjugés, qu’il me suffise de vous rappeler que la honte véritable n’est pas là. Le péché ! voilà vraiment la chose honteuse, bien que personne ne l’estime ainsi, et qu’on attache plus volontiers l’idée de honte à n’importe quoi plutôt qu’au péché ! Quant aux vêtements, femmes chrétiennes, ayez-en pour l’usage et non pour le superflu. Et pour ne pas vous gêner ici la conscience trop étroitement, mon avis et ma déclaration se bornent à proscrire, comme dépassant vos besoins, les parures d’or et les tissus trop fins. Et cet arrêt n’est pas de moi. Pour vous prouver qu’ici vous n’entendez pas mes paroles, écoutez saint Paul qui lui-même prononce, qui défend aux femmes de se parer avec des cheveux frisés, avec de l’or, avec des perles, avec vos vêtements précieux et magnifiques. (1Tim. 2,9) Dites-nous alors, apôtre de Jésus-Christ, comment elles doivent se parer ? Car elles sont capables de dire que les parures d’or sont seules des objets de luxe et de prix ; mais que les soieries ne sont ni de prix ni de luxe. Dites-nous donc, comment voulez-vous qu’elles soient parées ? – « Quand nous avons le vêtement et la nourriture, sachons-nous en contenter ». (1Tim. 6,8) Donc, que le vêtement soit suffisant pour nous couvrir ; Dieu ne nous les a donnés que pour protéger notre nudité. Or, un vêtement peut remplir ce but, quand même il serait de nulle valeur.
Vous riez peut-être, vous qui portez des vêtements de soie : en vérité, le sujet prête à rire ! Que commande saint Paul et que faisons-nous ? Car je ne m’adresse plus seulement aux femmes, mais aussi aux hommes. Tout ce que nous avons au-delà de la règle apostolique, est superflu. Les pauvres seuls ne possèdent pas de superflu ; hélas ! peut-être parce qu’ils sont forcés de s’en passer ; car s’ils pouvaient s’en procurer, ils ne s’en feraient pas faute plus que les autres. Mais enfin, soit en réalité, soit en apparence et par le sort, ils n’ont pas de superflu.
Portons donc des vêtements qui remplissent simplement leur but. A quoi bon, en effet, y prodiguer l’or ? Ces oripeaux conviennent aux acteurs ; laissez-leur ce costume ; c’est celui aussi des femmes perdues à qui tout ; convient pour attirer les yeux. Qu’elle se pare, l’actrice qui va paraître sur la scène, celle encore qui est danseuse de profession ; tout leur va, pour entraîner les hommes. Mais que la femme qui professe une vraie piété s’éloigne de telles parures, et qu’elle s’en réserve une autre bien plus noble et plus riche.
Oui, femme chrétienne, tu as un théâtre aussi ; pour ce théâtre, sache te parer ; pour lui, revêts tout un monde d’ornements. Quel est ton théâtre ? Le ciel, avec le peuple des anges pour spectateurs, et ce peuple comprend aussi et les vierges, et les femmes du monde ou du siècle. Toute femme qui croit en Jésus-Christ paraît de droit sur ce théâtre. Parlons-y un langage digne de charmer de tels spectateurs. Revêts-toi d’ornements capables de les transporter de joie. Car, dis-moi ; si une de ces actrices éhontées, renonçant à ses parures d’or, à ses vêtements somptueux, à son rire effronté, à ses paroles séduisantes et obscènes, prenait tout à coup une robe sans valeur ; si elle paraissait sur les planches sans aucun éclat d’emprunt, et qu’on l’entendît parler un langage pieux, religieux, et faire une exhortation à la tempérance et à la pudeur, sans plus un mot qui fasse rougir, est-ce que toute l’assistance ne se lèverait pas d’indignation ? Un théâtre comme celui-là ne serait-il pas déserté ? ou plutôt ne chasserait-on pas cette convertie, parce qu’elle