Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/585

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que le péché souffle comme l’orage, et qu’il est contre nous armé de toutes pièces. Car l’expression : « Vous avez résisté » s’adresse à des soldats fermes et debout.
« La consolation que Dieu vous adresse comme à ses fils, en vous disant : Mon fils, ne négligez pas le châtiment dont le Seigneur vous corrige, et ne vous laissez pas abattre lorsqu’il vous reprend ». Non content de les avoir consolés par les faits, il les encourage surabondamment par les paroles, et leur apporte ce témoignage de l’Écriture : « Ne vous laissez pas abattre », dit-il, « lorsqu’il vous reprend ». Ces paroles sont donc de Dieu lui-même. Et ce n’est pas une mince consolation pour nous, sans doute, que de reconnaître ainsi dans les événements les plus fâcheux l’œuvre de Dieu, qui les permet, comme saint Paul l’atteste lui-même : « C’est pourquoi j’ai prié trois fois le Seigneur, et il m’a répondu : Ma grâce vous suffit : car ma force éclate davantage dans la faiblesse ». (2Cor. 12,8) il est donc bien vrai que Dieu permet les épreuves. « Car le Seigneur châtie celui qu’il aime, et il frappe de verges celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants (6) ». On ne peut pas prétendre qu’un seul juste soit sans affliction ; car bien qu’au-dehors rien ne paraisse, nous ne savons pas les autres tribulations intimes qu’il subit. Il faut de toute nécessité que le juste passe par ce chemin. C’est la maxime de Jésus-Christ : que la route large et spacieuse conduit à la perdition ; tandis que la voie étroite et resserrée mène à la vie. (Mt. 7,13) Si donc, par là seulement, on peut arriver à la vie, tandis qu’il est impossible d’y parvenir autrement, concluez que tous ceux qui sont parvenus à la vie, y sont arrivés par la voie étroite.
« Si vous supportez cette rude discipline », continue-t-il, « Dieu vous regardera comme ses enfants. Car, qui est l’enfant que son père ne corrige point ? » S’il le forme et l’élève, assurément c’est pour le redresser, et non pour le punir, pour se venger de lui, pour le maltraiter. Saisissez cette idée de l’apôtre. Les événements mêmes qui leur auraient fait croire à l’abandon de Dieu, doivent, selon lui, les convaincre qu’ils ne sont point abandonnés de Dieu. C’est comme s’il leur disait : Parce que vous avez subi de si rudes épreuves, vous croyez que Dieu vous a délaissés et qu’il vous hait. Au contraire, si vous n’aviez pas ainsi souffert, vous devriez avoir ce soupçon décourageant. Car si Dieu frappe de verges celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants, il se peut qu’on ne soit pas de ce nombre ; si l’on n’est pas ainsi frappé. – Mais quoi ? direz-vous : les méchants ne sont-ils donc jamais atteints ? – Ils éprouvent aussi des maux, vous répondrai-je : car pourquoi seraient-ils épargnés ? Aussi ne vous dit-on pas : Quiconque est frappé est son enfant ; mais seulement : Tout enfant est frappé. Vous ne pouvez donc faire cette objection. Car si les coups tombent sur un grand nombre de méchants mêmes, comme sont les homicides, les brigands, les escrocs, les profanateurs de sépultures, ces misérables sont punis pour leurs crimes ; et loin d’être flagellés comme de vrais fils, ils sont châtiés comme scélérats. Vous l’êtes, vous, à titre d’enfants. Voyez-vous comme l’apôtre emprunte partout ses arguments consolants ? Il en trouve dans les faits de la sainte Écriture, dans les textes sacrés, dans leurs propres idées, dans les exemples ordinaires de la vie, dans la coutume universelle.
2. « Et si vous êtes en dehors du châtiment disciplinaire, dont tous les autres ont eu leur part, vous n’êtes donc pas du nombre des enfants, mais des bâtards (8). ». Voyez-vous comme l’apôtre confirme ce que j’ai dit précédemment : qu’il n’est point possible d’être enfant sans être châtié ? Le cas présent suit cette loi générale de la famille, où nous voyons, en effet, qu’un père n’a point souci des bâtards, lors même ; qu’ils n’apprennent rien et qu’ils n’acquièrent aucune illustration, tandis que, pour ses fils légitimes, il craint de les voir se livrer à la paresse et au marasme. Si donc cette privation d’éducation vigoureuse est une note d’illégitimité, il faut se réjouir de subir la discipline, puisqu’on l’applique seulement aux enfants de légitime naissance. Dieu à votre égard se montre comme à ses véritables fils. C’est pour appuyer ce raisonnement que saint Paul ajoute : « Que si nous avons eu du respect pour les pères de notre corps, lorsqu’ils nous ont châtiés, combien plus devons-nous être soumis à celui qui est le Père des esprits, afin de jouir de la vie (9) ? » Nouvel et consolant appel aux souffrances que les Hébreux ont subies personnellement il avait dit plus haut : « Souvenez-vous de vos anciens jours » ; il redit ici dans le même sens : Dieu agit envers nous comme envers des fils. Il n’y a pas à répondre : nous ne pouvons suffire à la peine ! Il nous traite comme ses fils, et comme ses fils bien-aimés. Et puisque ceux-ci vénèrent toujours leurs pères selon la chair, comment n’auraient-ils pas la même vénération pour le Père céleste ? – Et cette circonstance de dignité ne fait pas la seule différence ; il n’y a pas seulement non plus, une différence de personnes ; vous en trouvez aussi dans la cause et dans la nature même de la discipline. Non, Dieu ne vous redresse pas pour le même motif que l’ont fait vos pères. Car, ajoute l’apôtre :
« Nos pères nous châtiaient comme il leur plaisait et pour quelques jours (10) » ; c’est-à-dire que souvent ils se donnaient à eux-mêmes cette satisfaction, sans envisager toujours notre véritable intérêt. Mais, ici, on ne peut faire ce reproche. Dieu n’agit point, en frappant, pour son avantage personnel, mais pour vous, et uniquement pour votre bien. Vos parents ont voulu, avant tout, vous forcer à leur être utiles ; souvent même ils ont sévi sans motif. Mais, ici, rien de semblable. Voyez-vous encore comme l’apôtre les console ? En effet, notre amitié se donne bien plus volontiers aux personnes qui nous commandent ou nous conseillent sans aucune idée d’intérêt égoïste, et surtout avec un zèle tout dévoué à notre bonheur. Nous reconnaissons l’affection sincère, la seule réelle affection à nous voir ainsi aimés, lorsque, nous sommes hors d’état d’être utiles à la personne qui nous aime, qui nous chérit non pour recevoir, mais pour donner. Dieu nous forme, Dieu fait tout, Dieu veut tout au monde, pour nous