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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/603

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les chances heureuses nous procurent souvent un jugement plus sévère, taudis que les épreuves contribuent à expier nos péchés. Celles-ci forcément nous inclinent à la charité, à la pitié pour nos frères ; tandis que celles-là nous élèvent par l’orgueil, nous rabaissent par la paresse, nous disposent à sourire à mille fantômes de présomption en nous-mêmes, et enfin nous ôtent toute énergie. Aussi le Prophète s’écriait : « Il m’est bon que vous m’ayez humilié, afin que j’apprenne les ordonnances de votre justice ». (Ps. 118,71) Lorsque Ezéchias se vit couvert des bienfaits de Dieu et délivré de tout mal, alors son cœur s’enfla : mais quand il devint malade, aussitôt il s’humilia, et dès lors se rapprocha de Dieu. – « Quand le Seigneur frappait son peuple », dit l’Écriture, « alors celui-ci le cherchait, se convertissait, lui faisait retour dès le matin » (Ps. 77,34) ; « mais dès que Dieu eût comblé et engraissé de biens ce peuple chéri, il le vit récalcitrant ». (Deut. 32,15) « En effet, on reconnaît Dieu quand il exécute son jugement ». (Ps. 9,17)
C’est donc un grand bien que l’affliction : car la voie du salut est étroite, et c’est l’affliction qui nous met dans l’étroit sentier. Qui n’est point affligé ne peut entrer. Celui qui sait ainsi s’affliger et se réduire à l’étroit, est aussi celui qui jouit du vrai repos ; mais celui qui s’enfle, n’entrera jamais, et sera encore serré, si j’ose le dire, comme le bois sous l’effort du coin. Écoutez comme saint Paul entra de son gré dans cette voie étroite. « Je châtie mon corps », nous dit-il, « et je le réduis en servitude ». Châtie-le donc aussi, pour pouvoir entrer. – L’apôtre rendait à Dieu, dans toutes ses afflictions, de perpétuelles actions de grâces. Et toi, es-tu frappé dans ta fortune ? La ruine, au fond, t’a mis au large. Es-tu déchu de ta gloire ? Autre affranchissement. Es-tu victime de l’hypocrisie ; et, des crimes dont tu es innocent, ont-ils obtenu créance contre toi ? Sache te réjouir et l’applaudir. « Car », a dit le Seigneur, « vous serez bienheureux quand les hommes vous accableront d’opprobres et diront faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce qu’une grande récompense vous est réservée dans les cieux ». (Mt. 5,12)
Pourquoi vous étonner des afflictions, et vouloir être délivrés des épreuves ? Paul aussi, demanda sa délivrance ; il en fit l’objet de nombreuses prières à Dieu, et ne l’obtint pas. Car en disant « Je l’ai demandée par trois fois », il veut dire, souvent. « Et Dieu m’a répondu », ajoute-t-il « Ma grâce vous suffit ; car ma force éclate dans les infirmités ». (1Cor. 12,8) Il appelle ici infirmités les souffrances. Or, qu’est-il arrivé ? Heureux d’avoir reçu cette réponse, l’apôtre supporta ses peines avec reconnaissance, et s’écria : « Aussi bien je suis fier dans mes infirmités mêmes », c’est-à-dire je place dans les afflictions, mon plaisir et mon repos. Ainsi, rendons grâces de toutes choses, heureuses ou affligeantes ; ne murmurons pas, ne soyons pas ingrats. Oui, mon frère, dis-le sincèrement, toi aussi : « Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je dois m’en aller un jour ». (Job. 1,21) Tu n’es pas venu au monde avec la gloire ; ne cherche point la gloire ; car tu es entré dans la vie avec une complète nudité, non seulement de fortune, mais de gloire et de bonne renommée. Pense aux maux infinis que souvent a produits la richesse, ou plutôt écoute ici les oracles de Jésus-Christ : « Il est plus facile à un chameau d’entrer « par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer « dans le royaume des cieux ». (Mt. 19,24) Vous voyez à quels biens infinis la richesse fait obstacle ! Et vous cherchez. à vous enrichir ! Et pauvres, vous n’ôtes pas heureux de voir pour vous l’obstacle renversé ! Oui, la voie qui conduit au royaume est étroite ; autant sont grandes les richesses, autant elles apportent et d’enflure et de tristes bagages. Aussi Jésus-Christ dit-il : « Vendez ce que vous avez » (Mt. 19,21), pour que l’étroit sentier vous reçoive. Pourquoi désirer l’argent ? Dieu vous l’a retiré, pour vous affranchir d’un véritable esclavage. Un vrai père, souvent, quand il a constaté que son fils s’est perdu par une honteuse fréquentation, et que d’ailleurs il n’a pu par ses avis lui persuader de la rompre, agit lui-même et chasse cette créature bien loin. L’argent trop abondant est une attache de ce genre. Aussi prenant en main nos intérêts, et nous sauvant du malheur que l’or entraîne, le Seigneur nous enlève cet or maudit. Ne regardons pas, en conséquence, la pauvreté comme un mal : le seul mal, c’est le péché ; le seul bien, c’est de plaire à Dieu. Cherchons plutôt la pauvreté ; poursuivons-la avec amour. Ainsi saisirons-nous le ciel ; ainsi gagnerons-nous les biens promis. Puissions-nous y arriver tous, etc.

HOMÉLIE XXXIV.


OBÉISSEZ A VOS CONDUCTEURS ET SOYEZ-LEUR SOUMIS, AFIN QU’AINSI QU’ILS VEILLENT POUR LE BIEN DE VOS ÂMES, COMME DEVANT EN RENDRE COMPTE, ILS S’ACQUITTENT DE CE DEVOIR AVEC JOIE, ET NON EN GÉMISSANT ; CE QUI NE VOUS SERAIT PAS AVANTAGEUX. (XIII, 17 JUSQU’A LA FIN)

Analyse.

  • 1 et 2. Prélude sur l’obéissance en général. – Dangers de l’anarchie. – Distinction entre l’autorité et l’homme qui en est revêtu. – Les Hébreux n’ont que de bons chefs spirituels. – Ceux-ci, quand on leur désobéit, ont une seule et redoutable