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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/68

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« Dieu n’a pas voulu que j’eusse tristesse sur tristesse », que déjà désolé de sa maladie, j’eusse encore la douleur de le perdre. Il ne peut mieux faire voir son estime pour Epaphrodite. « C’est pourquoi je me suis hâté de le renvoyer ». Comment s’est-il hâté ? Sans hésitation, sans délai, en lui ordonnant de passer sur tous les obstacles, pour vous arriver au plus tôt et vous mettre hors de peine. En effet, quand une personne aimée revient à la santé, nous sommes heureux de l’apprendre, mais plus joyeux de la revoir, surtout si elle a guéri contre toute espérance, comme il était alors arrivé pour Epaphrodite. – « Pour vous donner la joie de le revoir et pour adoucir aussi mon chagrin ». Quel est le sens des derniers mots ? Le voici : Si vous revenez à la joie, j’y reviendrai moi-même ; notre cher disciple sera, à son tour, heureux de notre bonheur, et moi-même je serai mieux délivré de mon chagrin. Il ne dit pas : Je serai sans tristesse ; mais seulement : Ma tristesse s’en adoucira, pour montrer que jamais son âme n’est exempte de souffrance. Comment serait-il sans chagrin ni peine, celui qui s’écrie : « Qui est-ce qui est malade sans que je le sois avec lui ? Qui est scandalisé sans que je brûle ? » (2Cor. 11,29) Du moins déposerai-je ce chagrin !
3. « Recevez-le donc avec toute sorte de joie dans le Seigneur ». Recevoir « dans le Seigneur », c’est le recevoir avec l’esprit de foi, avec une charité empressée ; ou plutôt, c’est l’accueillir selon la volonté de Dieu ; par conséquent avec le respect dû à la dignité des saints, comme il convient de recevoir un saint. – « En toute joie », dit-il encore ; car Paul, par ces recommandations, agissait dans l’intérêt non de ses envoyés, mais des fidèles qui les accueilleraient. Celui qui donne en pareil cas a bien plus à gagner que celui qui reçoit. Donc « traitez avec honneur de telles personnes » ; faites à celui-ci l’accueil que méritent les saints.
« Car il s’est vu tout proche de la mort, pour avoir voulu servir à l’œuvre de Jésus-Christ, exposant ainsi sa vie, afin de suppléer par son assistance à celle que vous ne pouviez me rendre vous-mêmes ». Epaphrodite avait été envoyé par la communauté entière des chrétiens de Philippes, afin de servir Paul, ou peut-être il était venu lui apporter un secours. L’apôtre semble attester dans un passage déjà cité que c’était un secours d’argent. J’ai reçu, dit-il, ce que vous m’avez envoyé par Epaphrodite. Il est donc vraisemblable qu’à son arrivée à Rome, il trouva Paul dans un danger très grave et si menaçant même que, loin de pouvoir aborder sa prison sans péril, on risquait sa vie en s’y hasardant ; ce qui arrive d’ordinaire quand gronde un violent orage et que la colère des souverains déborde au-delà de toute limite. Qu’un malheureux soit tombé dans la disgrâce du prince, il est jeté dans les fers et gardé très étroitement ; ses serviteurs mêmes ne peuvent arriver jusqu’à lui. Il est vraisemblable que tel était alors le sort de Paul, et qu’Epaphrodite, homme d’un caractère et d’un courage héroïques, avait méprisé tous les dangers pour pénétrer auprès de lui, pour l’aider et lui fournir tout ce que réclamait sa position. Paul apporte donc deux motifs pour lui gagner le respect et l’autorité ; l’un, c’est qu’il a, dit-il, bravé la mort à cause de moi ; l’autre, qu’il s’est exposé ainsi étant l’ambassadeur de toute une cité ; de manière que, dans ce grand péril, la cité qui le députait a eu aussi sa part de gloire, puisqu’il représentait tous ceux qui l’avaient envoyé. Recevez-le donc avec de grands égards, rendez-lui des actions de grâces pour ses fonctions si bien remplies ; c’est le moyen pour vous de participer aux mérites de nos dangers et de toutes nos œuvres. Et il n’a pas dit : Il s’est exposé « pour moi », mais pour que son témoignage acquière autorité et confiance, il dit : « Pour l’œuvre de Dieu ». Ce n’est pas mon intérêt, c’est celui de Dieu qui l’a fait agir et « braver la mort ». Car enfin, n’est-il pas vrai que, bien qu’il n’ait pas, grâce à Dieu, subi le coup fatal, il n’a cependant tenu aucun compte de sa vie et qu’il s’est livré entièrement ; il aurait affronté à l’aveugle tous les maux, sans craindre ni cesser pour cela de m’offrir son secours. Et s’il s’est exposé à la mort pour le service de Paul, bien plus volontiers l’aurait-il fait pour la prédication de l’Évangile ; ou, à dire vrai, mourir pour Paul, c’était mourir pour l’Évangile. Car la couronne du martyre n’est pas seulement pour ceux qui refusent de sacrifier aux idoles, mais pour ceux encore qui meurent pour le service des saints. Je dirai même, et ceci vous étonnera peut-être, que le second cas est même plus glorieux que le premier. Celui qui, pour un sujet moindre, ose affronter la mort,