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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/94

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vertu ; c’est ainsi, au reste, que Jésus-Christ même parlait à ses apôtres : « Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous sont soumis, mais de ce que vos noms sont écrits au livre de vie ». (Lc. 10,20) Paul se sert de termes identiques à leur égard : « Leurs noms sont écrits au livre de vie ». Il me semble que ces femmes étaient les principales de l’Église de Philippes ; et peut-être l’apôtre les recommande à un personnage très méritant, qu’il appelle même son conjoint, auquel peut-être il adressait volontiers ses protégés, voyant en lui un auxiliaire, un compagnon d’armes, un ami, un frère. Pareille recommandation se lit dans son épître aux Romains : « Je vous recommande Phébé, notre sœur, qui est au service de l’Église établie à Cenchrée ». (Rom. 16,1) — « Conjoint » : il appelle ainsi le frère ou même l’Époux de l’une d’elles ; comme s’il disait : Tu es maintenant frère légitime, légitime Époux, tu es un de leurs membres. — « Elles ont avec moi travaillé à l’établissement de l’Évangile » : de là sa sollicitude et ses prévenances pour elles ; ce n’est pas raison d’amitié, mais de bonnes œuvres. « Elles ont travaillé avec moi ». Que dites-vous ? Des femmes ont travaillé avec vous ? Sans doute, répond-il. Car bien que Paul eût maints auxiliaires, elles ont contribué, et non pas un peu ; et dans le nombre même, celles-ci ont eu leur bonne part d’action. Ainsi déjà dès lors les églises particulières grandissaient beaucoup. Le fait même que les personnages dignes et saints, hommes et femmes, étaient entourés de respects unanimes, avait plusieurs excellents résultats. En effet, d’abord tous les autres fidèles étaient excités à montrer un zèle semblable ; ensuite ceux qui rendaient honneur au zèle d’autrui, y gagnaient même personnellement ; enfin l’honneur rendu redoublait, dans les personnages honorés, l’ardeur et la foi. Aussi partout vous voyez Paul empressé à rendre ces témoignages et à recommander ces fidèles d’un mérite spécial. C’est ainsi que dans l’épître aux Corinthiens il parle de ceux qui sont « les prémices de l’Achaïe ». — Quelques-uns voient dans ce mot « conjoint », συξυγε, Syzigue, un nom propre. Mais peu importe qu’il soit ceci, ou qu’il soit cela ; il n’est pas besoin ici de recherches curieuses ; admirons plutôt simplement quel grand honneur Paul réclame pour ceux qu’il recommande.

4. Tout est au ciel, d’après saint Paul : le Sauveur, la patrie, tout ce que peut demander le cœur le plus exigeant. Nous attendons de là, c’est sa parole, notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ. Reconnaissez ici encore un trait de cette adorable bonté. Il ne veut pas nous y entraîner par un effet de sa puissance ; il aime mieux revenir nous chercher ; et quand il nous a reconquis, il se retire, nous laissant ainsi comblés d’honneur. Car s’il est venu à nous lorsque nous étions ses ennemis, bien plus volontiers reviendra-t-il après nous avoir faits ses amis. Et cette mission de nous venir chercher sur la terre, il ne la confie ni à ses anges, ni à d’autres serviteurs ; c’est lui-même qui vient sur les nuées pour nous appeler à son palais de gloire. Peut-être même daignera-t-il enlever avec lui sur les nuées tous ceux qui lui auront été fidèles. Nous aussi, dit l’apôtre, nous qui l’aurons aimé, nous serons enlevés avec lui sur les nuées, et ainsi nous serons toujours avec lui.

Eh ! qui donc sera trouvé serviteur fidèle et prudent ? Quels heureux vainqueurs seront trouvés dignes de si grands biens ? Qu’il faut plaindre ceux qui en seront déchus ! Car si nous avons des larmes intarissables pour les rois qui ont perdu un trône, quel deuil sera digne de cette inexprimable infortune ? Multipliez tant qu’il vous plaira les douleurs de l’enfer ; vous n’aurez pas encore la douleur, l’angoisse d’une âme à cette heure terrible où l’univers s’ébranle, où sonnent les trompettes, où un premier, puis un second, puis un troisième bataillon d’anges, puis des milliers enfin de ces phalanges célestes se répandent sur la terre ; bientôt apparaissent les chérubins en nombre incalculable, ensuite les séraphins tout près de Lui ; et Lui, enfin, lui-même avec le cortège d’une gloire immense autant qu’indescriptible. Alors les anges se hâtent de rassembler tous les élus autour de son trône ; alors Paul et tous ceux qui l’ont suivi reçoivent la couronne, l’éloge public, l’honneur solennel de la bouche du Roi. en présence de toute l’armée des cieux… Dites, quand même il n’y aurait point d’enfer, comment apprécier cette gloire des uns, cette confusion des autres ? Subir l’enfer, c’est affreux, je l’avoue, c’est intolérable ; mais plus cruelle encore doit être l’exclusion de ce royaume des cieux.

Un roi, ou, si vous l’aimez mieux, un prince royal, après une glorieuse absence et plusieurs guerres heureusement terminées, précédé par