Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est un ami de son frère, c’est un parent qui l’en convie ; en effet, Névius a pour femme une cousine de Publius, et il en a des enfants. Névius promettait ce qu’un homme d’honneur aurait tenu. Publius crut que celui qui imitait si bien le langage des honnêtes gens, en imiterait aussi les actions. Il cesse de penser a la vente et part pour Rome. Névius quitte la Gaule en même temps. Caïus était mort débiteur de Scapula. Ce fut vous, Aquillius, qui réglâtes la somme à payer par son frère aux enfants de ce créancier. Publius eut recours a votre arbitrage, parce qu’à cause de la différence des monnaies, il ne suffisait pas de connaître le montant de la dette, il fallait encore s’assurer du change au temple de Castor. Vous réglâtes donc, comme ami des Scapula, ce qui leur serait compté en espèces romaines.

V. Publius, dans toute cette négociation, ne fit rien que par les avis de Névius ; et il n’est pas étonnant qu’il prit pour conseil un homme dont il se croyait les secours assurés. Névius lui avait promis dans la Gaule, Névius lui répétait chaque jour à Rome, qu’à son premier signal sa bourse lui serait ouverte. Publius lui connaissait les moyens de tenir parole ; il l’y croyait obligé par l’honneur. Il ne le soupçonnait pas de mensonge, puisqu’il n’avait aucun intérêt de mentir. Aussi tranquille que s’il eût eu l’argent dans ses mains, il s’engage avec les Scapula. Il en instruit Névius, et le prie de penser a ce qu’il lui a promis. Alors cet honnête homme ( je crains qu’il ne prenne pour une ironie cet éloge que je lui adresse une seconde fois ), cet honnête homme, qui croyait Publius sans ressource, conçoit le projet de profiter de sa détresse pour l’enlacer dans ses filets. Il déclare qu’il ne lui donnera pas un denier que tous les comptes de la société ne soient réglés, et qu’il ne soit sûr de n’avoir jamais aucune contestation avec Publius. Plus tard nous parlerons de cet objet, dit celui-ci ; maintenant pensez, je vous en conjure, à ce que vous m’avez promis. Névius proteste qu’il ne le peut qu’à cette condition ; qu’il n’est pas plus lié par sa parole que par celle qu’il aurait donnée au nom d’un propriétaire quand il faisait des rentes à l’encan. Publius, consterné de ce manque de foi, obtient des Scapula un délai de quelques jours. Il envoie en Gaule vendre les biens qu’il avait affichés. La vente a lieu en son absence et dans un moment désavantageux. Il s’acquitte avec les Scapula, mais à des conditions plus dures. Alors il s’adresse de lui-même à Névius, et le prie, puisqu’il craint les contestations, d’aviser aux moyens de tout régler au plus tôt, et avec le moins de désagrément qu’il serait possible. Névius prend pour arbitre Trebellius son ami, et nous, un ami des deux parties, élevé dans la maison de notre adversaire, étroitement lié avec lui, notre parent Sextus Alphénus. Toute conciliation était impossible : Publius désirait que sa perte eût des bornes ; la cupidité de Névius n’en avait aucunes. Des ce moment il fallut aller en justice réglée. Après plusieurs remises et beaucoup de temps employé à des négociations qui n’eurent aucun succès, Névius comparut enfin.

VI. Je vous en conjure, Aquillius, et vous qui