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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/156

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simplicité à s’étendre plus longtemps sur une impudence aussi manifeste, surtout quand on voit Verrès braver ouvertement, dans son ordonnance, l’opinion et les jugements publics au point d’ajouter à la fin : Il aura pour lui les vieux matériaux : comme s’il y avait dans cette entreprise de vieux matériaux à enlever, comme si tout n’était pas fait avec les anciens matériaux. Mais, s’il était défendu au pupille de prendre l’adjudication, il n’était pas nécessaire qu’elle tombât entre les mains du préteur ; tout citoyen pouvait se présenter. Non, tous furent exclus aussi ouvertement que le pupille. Les travaux devaient être achevés aux calendes de décembre, et l’adjudication eut lieu vers les ides de septembre : ce court espace de temps exclut tout le monde.

LVII. Comment donc Rabonius atteint-il le jour fixé ? C’est que personne n’inquiète Rabonius, ni aux calendes, ni aux nones, ni aux ides de décembre ; enfin le préteur s’en va même dans son gouvernement avant que l’ouvrage soit achevé. Quand il s’est vu accusé, il a déclaré d’abord ne pouvoir porter sur ses comptes qu’il eût accepté la remise de l’ouvrage ; pressé par Rabonius, il a tâché de s’en prendre à moi, disant que j’avais mis le scellé sur son registre. Rabonius m’en demande communication, me fait parler par des amis ; je me rends à leurs prières : Verrès ne sait plus que faire. Il croyait se ménager un moyen de défense en n’enregistrant pas la remise. Mais il sentait bien que Rabonius révèlerait toute la manœuvre : cependant, pouvait-elle être plus manifeste qu’elle ne l’est aujourd’hui, même sans le témoignage de Rabonius ? Il enregistre donc l’acceptation de l’ouvrage quatre ans après le terme qu’il avait fixé pour son achèvement. Nul entrepreneur n’auraitjoui du même avantage : d’ailleurs comme tous étaient exclus par la brièveté du temps, aucun d’eux n’avait envie de se mettre à la discrétion d’un magistrat qui penserait qu’on lui aurait ravi sa proie. Qu’avons-nous besoin d’induction pour découvrir à qui l’argent est revenu ? Il se dénonce lui-même. D’abord, D. Brutus, qui avait payé de son argent cinq cent soixante mille sesterces, le pressait si vivement que, ne pouvant plus lui résister, il lui remit, après l’adjudication faite et les cautions reçues, cent dix mille sesterces, sur les cinq cent soixante mille ; ce qu’il n’aurait pu faire si c’eût été sur les fonds d’autrui. Ensuite, l’argent avait été compté entre les mains de Cornificius, qu’il ne peut nier avoir été son secrétaire. Enfin les registres de Rabonius lui-même publient hautement que Verrès s’était adjugé cette somme : qu’on lise les Articles des registres de Rabonius.

LVIII. Rappelons-nous ici qu’Hortensius se plaignit, dans la première action, de ce que le pupille Junius avait paru devant vous, vêtu de sa prétexte, et debout à côté de son oncle qui déposait comme témoin ; et qu’il s’écria que je voulais me rendre populaire, et que je cherchais à soulever les esprits en faisant paraître un enfant. Qu’y avait-il donc, Hortensius, de si populaire, de si propre à soulever les esprits dans la présence de cet enfant ? Était-ce le fils d’un Gracchus, d’un Saturninus ou de quelque autre personnage de ce rang, que je faisais paraître, pour soulever les esprits en me servant de son nom et de la mémoire de son père ? c’était le fils de P. Junius, d’un plébéien, que son père mourant avait cru devoir recommander non seulement à ses tuteurs et à ses parents, mais encore aux