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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/158

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a aussi présidé au jugement d’une cause publique, qui ne doit pas non plus être oubliée. Un citoyen, Q. Opimius, fut accusé devant lui sous prétexte qu’étant tribun du peuple il avait proposé une loi contraire à la loi Cornélia, mais en effet parce qu’il avait parlé, durant son tribunat, contre le vœu d’un noble personnage. Si je voulais tout dire sur ce jugement, il me faudrait citer et mécontenter bien du monde ; mais je ne le crois pas nécessaire. Je rappellerai seulement que quelques hommes ambitieux, pour ne rien dire de plus, se sont fait un jeu et un amusement, avec l’aide du préteur, de ruiner tout à fait Q. Opimius. Et Verrès se plaindra encore que nous n’ayons consacré que neuf jours à la première action dirigée contre lui, lorsque, devant son tribunal, Q. Opimius, sénateur du peuple romain, a perdu, en trois heures, ses biens, son rang et tous ses titres d’honneur ! jugement odieux et qui indigna tellement le sénat, qu’il fut question de supprimer cette forme d’enquêtes et d’amendes. Et lorsqu’il fallut vendre les biens de Q. Opimius, quelles déprédations n’a-t-il pas commises, et avec quelle publicité, quelle scélératesse ? Il serait trop long d’entrer dans ce détail. Je ne dis qu’une chose : Si je ne vous prouve tous ces faits jusqu’à l’évidence par les registres des citoyens les plus intègres, croyez alors que j’ai tout inventé dans l’intérêt de ma cause. Mais celui qui, dans la disgrâce d’un sénateur du peuple romain, à la condamnation duquel il avait présidé, a fait emporter chez lui la dépouille de l’accusé comme celle d’un ennemi vaincu, quel malheur celui-là n’a-t-il pas mérité ?

LXI. Quant au remplacement des juges dans l’affaire d’Oppianicus, je n’en parlerai pas. Eh ! qu’oserai-je dire contre les registres que vous avez produits ? l’entreprise serait difficile. Votre autorité et celle des juges, et surtout l’anneau d’or de votre secrétaire ne m’en empêchent-ils pas ? Je ne parlerai donc pas de ce qu’il me serait impossible de prouver ; mais il est une chose dont je fournirai la preuve. N’avez-vous pas dit en effet devant des personnes de la première distinction, qu’on devait vous pardonner d’avoir produit un faux registre, parce que, sans cette précaution, vous auriez succombé vous-même sous la haine publique, dont C. Junius avait été accablé ? C’est ainsi que Verrès apprit à pourvoir à sa sûreté en rapportant sur les registres publics et particuliers des faits qui n’existaient pas, en effaçant ce qui existait, en retranchant quelque chose, en changeant, en faisant disparaître les ratures, en interpolant. Les choses sont allées si loin, qu’il lui faut commettre de nouveaux crimes pour pallier les autres. L’insensé s’était flatté de faire remplacer ses juges par les soins de son fidèle ami Q. Curtius, président d’un autre tribunal : et si je ne lui avais résisté à ce dernier, soutenu par les cris et les menaces du peuple, je me serais vu arracher, dans cette décurie dont l’appui m’était si nécessaire, les juges qu’il substituait sans aucun motif, au moindre signe de Verrès, à ceux qui composaient son conseil…

Le reste manque.