Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sion pour soustraire un accusé absent aux recherches d’un accusateur ? Les questeurs de l’un et l’autre département sous sa préture, m’ont sans cesse opposé leurs faisceaux. Leurs successeurs eux-mêmes, jaloux de prouver leur reconnaissance à Verrès, qui leur avait fait généreusement part des provisions de sa table, n’ont pas été moins acharnés contre moi. Voyez quel était son pouvoir, puisqu’il a trouvé dans les quatre questeurs d’une province des défenseurs, des champions aussi ardents ; un préteur et toute sa cohorte, si pleins de zèle pour lui, qu’on eût cru qu’ils regardaient comme leur province, non la Sicile qu’ils avaient trouvée dévastée, mais Verrès lui-même, qui en était sorti chargé de dépouilles. Ils menaçaient ceux des Siciliens qui voulaient envoyer des députations pour déposer contre lui, ceux des députés qui voulaient partir. Ils faisaient aux autres de grandes promesses pour les engager à témoigner en sa faveur : enfin ils arrêtaient et tenaient enfermés ceux qui avaient été témoins de délits particuliers et auxquels j’avais fait personnellement des sommations.

V. Malgré toutes ces violences, la cité des Mamertins est la seule, sachez-le bien, qui ait envoyé en son nom des députés pour faire l’éloge de Verrès. Eh bien ! le chef de cette députation, le plus distingué de ses citoyens, C. Héïus, a déposé devant vous, sous la foi du serment, qu’un immense vaisseau de transport avait été construit pour Verrès à Messine, par les ouvriers de la ville. Et ce même député des Mamertins, cet apologiste officiel de Verrès, a dit encore que celui-ci, non content de lui ravir ses biens, avait enlevé de sa maison tous les objets sacrés, et les dieux pénates qu’il tenait de ses ancêtres. Belle apologie, que celle où les députés chargés d’une seule fonction en remplissent deux, celle de louer le préteur et celle de l’accuser de concussion ! Quant à l’amitié de cette ville pour Verrès, j’en expliquerai la nature dans un autre moment, et je vous ferai voir que les motifs de l’affection des Mamertins pour lui ne sont que des motifs de condamnation. Juges, aucune autre cité n’est venue ici le défendre en vertu d’une délibération publique. Ces violences de l’autorité n’ont pu ébranler qu’un petit nombre d’hommes sans effrayer les villes ; tout ce qu’elles ont produit, c’est que dans les lieux les plus misérables et les plus abandonnés, quelques individus de réputation assez équivoque sont partis sans l’ordre du sénat et du peuple ; ou encore que des députés envoyés par leurs cités pour témoigner contre Verrès, ont été retenus par la force et par la crainte. Qu’il en ait été ainsi chez quelques-uns de ces peuples, je n’en suis nullement fâché ; le témoignage des autres cités, si nombreuses, si considérables, si imposantes, de toute la Sicile en un mot, n’en aura que plus d’autorité auprès de vous, quand vous verrez qu’aucune puissance n’a pu les retenir, qu’aucun péril n’a pu les empêcher d’éprouver ce que peuvent sur vous les plaintes de vos plus anciens et de vos plus fidèles alliés. Quant à cet éloge de Verrès, dont vous avez tous entendu parler, et qui a été fait au nom de leur ville par les Syracusains, vous avez su dans la première action, par le témoignage du Syracusain Héraclius quel en était le caractère ; toutefois je dirai ailleurs ce qu’on doit penser de tout ce qui regarde cette ville. Vous verrez que