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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/165

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levé non par l’innocence de l’accusé, mais par l’exception de la loi ? Dépositions de M. Lucullus, de Chlorus, de Dion.

IX. La somme que ce champion de Vénus a gagnée au nom de Vénus, en sortant des bras de sa Chélidon pour se rendre dans sa province, vous paraît être assez forte, Romains. Voici, à propos d’une succession moins importante, un trait de cupidité non moins odieux : Sosippe et Épicrate sont deux frères de la ville d’Argyra. Leur père est mort il y a vingt ans ; il avait déclaré dans son testament que si ses fils manquaient à certaines conditions qu’il leur imposait, ils devraient payer une amende à Vénus. C’est la vingtième année même, lorsque, dans l’intervalle, la province avait vu tant de préteurs, tant de questeurs, tant de délateurs, qu’on réclame cette succession au nom de Vénus. Verrès prend connaissance de cette affaire : il reçoit des deux frères, par l’entremise de Volcatius, une somme d’environ quatre cent mille sesterces. Vous avez entendu un grand nombre de témoins. Les frères d’Argyra ont gagné leur cause, mais ils sont ruinés.

X. Verrès, dit-on, n’a pas touché la somme. Quelle défense ? Est-ce sérieusement qu’on l’emploie ou pour en essayer ? Je la trouve nouvelle ! Verrès apostait des délateurs, Verrès faisait comparaître, Verrès connaissait de l’affaire, Verrès siégeait comme juge ; on donnait de grandes sommes ; ceux qui les donnaient gagnaient leur cause ; et vous me dites que Verrès n’a pas touché l’argent ! Je me joins à vous : mes témoins aussi disent la même chose : ils sont bien d’accord que c’est à Volcatius qu’on a remis la somme. Et quelle autorité avait Volcatius pour enlever à deux hommes quatre cent mille sesterces ? Volcatius ! mais s’il fut venu en son propre nom, qui lui aurait donné seulement un as ? Qu’il vienne maintenant ; qu’il essaye : personne ne le recevra chez soi. Mais je dis de plus : Je vous accuse, Verrès, d’avoir reçu contre les lois quarante millions de sesterces. Je conviens en même temps qu’on ne vous a pas compté une seule pièce d’argent ; mais lorsque, pour prix de vos décisions, de vos ordonnances, de vos arrêts, on donnait des sommes, il n’était pas question de savoir dans les mains de qui on les comptait, mais par qui elles étaient extorquées. Vos mains, c’étaient ces compagnons de votre choix ; vos mains, c’étaient vos préfets, vos scribes, vos médecins, vos huissiers, vos aruspices, vos crieurs : plus on vous touchait de près par le sang, par alliance ou par quelque liaison, plus on passait pour être la main de Verrès ; toute cette bande de vos gens qui a fait à la Sicile plus de mal que cent cohortes d’esclaves fugitifs, c’étaient vos mains. Tout ce qui a été pris par chacun d’eux, non seulement vous a été donné, mais a été compté entre vos mains ; il est impossible de ne pas le penser. En effet, juges, si vous approuvez cette défense : « Verrès n’a rien reçu », supprimez alors tous les procès de concussion. On ne vous amènera jamais d’accusé, de coupable, qui ne puisse se servir de ce moyen. Et puisqu’il y a recours, on ne trouvera pas un accusé, si abandonné qu’on se l’imagine, qui ne puisse rappeler l’intégrité de Q. Mucius, si on le compare à Verrès. Je le répète, on me