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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/186

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des parents illustres et de nombreux amis ; un homme de tant d’autorité et de crédit dans toute la Sicile, n’a pu trouver un seul Sicilien qui se portât son représentant ? Comment nous le persuader ? Est-ce lui qui a préféré un citoyen romain ? Montrez-moi un Sicilien accusé qui ait jamais pris un citoyen romain pour le représenter. Produisez, ouvrez les registres de tous vos prédécesseurs ; si vous en trouvez un seul exemple, je consens que la chose se soit passée comme vous l’avez écrit sur vos registres. Mais peut-être Sthénius a-t-il cru se faire un honneur de choisir quelqu’un dans le nombre des citoyens romains, dans la foule de ses amis et de ses hôtes, pour le constituer son représentant. Qui a-t-il choisi ? Quel est le nom inscrit sur les registres ? C. Claudius, fils de Caïus, de la tribu Palatine. Je ne demande pas quel est ce Claudius, quel éclat, quelle renommée, quel talent le recommandent, pour que son rang et son crédit aient décidé Sthénius à s’écarter de l’usage de tous les Siciliens, en se donnant pour représentant un citoyen romain : je ne demande rien de tout cela ; peut-être en effet Sthénius a-t-il moins recherché un homme distingué qu’un ami. Mais si, parmi tous les hommes, Sthénius n’a pas eu de plus mortel ennemi que ce C. Claudius, dans tous les temps et surtout dans ce temps et dans cette affaire ; si, dans le procès en falsification des registres, il s’est porté son adversaire ; s’il l’a combattu par tous les moyens possibles ; lequel devons-nous croire, ou que Sthénius, afin de se défendre, a choisi un ennemi pour représentant ; ou plutôt, que vous-même vous avez, pour perdre Sthénius, abusé du nom de son ennemi ?

XLIV. Mais pour prévenir tout doute sur la nature de cette intrigue, et quoique la perversité de Verrès soit depuis longtemps évidente pour tout le monde, accordez-moi encore quelque attention. Voyez-vous cet homme basané, dont les cheveux sont un peu crépus ; qui nous regarde de l’air d’un homme qui se croit beaucoup d’esprit ; qui tient des tablettes, qui écrit, qui avertit, qui est tout près de l’accusé ? C’est Caïus Claudius, celui qu’en Sicile on regardait comme le ministre, l’entremetteur, l’agent de Verrès, presque le collègue de Timarchide : maintenant il occupe un rang si élevé, qu’il semble le céder à peine pour la familiarité à ce fameux Apronius qui se disait le collègue et le compagnon, non de Timarchide, mais de Verrès lui-même. Doutez-vous encore, s’il est possible, que Verrès ne l’ait choisi de préférence entre tous, pour lui faire jouer ce rôle perfide de représentant supposé, parce qu’il le croyait son ami et l’ennemi juré de Sthénius ? Et vous, juges, hésiterez-vous à punir tant d’audace, tant de cruauté, une iniquité si révoltante ? hésiterez-vous à suivre l’exemple de ces juges qui, en condamnant Cn. Dolabella, ont annulé la condamnation de Philodamus d’Oponte, parce qu’il avait été accusé, non pas en son absence, ce qui est la chose la plus inique et la plus barbare, mais, étant député à Rome par ses concitoyens ? Ce que ces juges, dans une cause beaucoup plus légère, ont décidé par des principes d’équité, balancerez-vous à le décider dans une cause des plus graves, autorisés surtout, comme vous l’êtes, par l’autorité de cet exemple ?

XLV. Mais à quel homme, Verrès, avez-vous fait une injure si grande, si éclatante ? Contre quel homme avez-vous reçu une dénonciation en son absence ? Quel est cet absent que vous con-