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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/246

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cette province aux préteurs M. Lévinus, P. Rupilius, ou M. Aquillius, ne se voyaient pas réduits à recueillir le reste des laboureurs. Verrès, avec Apronius, a-t-il donc fait passer sur la Sicile plus de calamités qu’Asdrubal avec les troupes des Carthaginois, ou Athénion avec des armées d’esclaves fugitifs ? Alors, sans doute, aussitôt après la victoire remportée sur l’ennemi, toutes les terres étaient labourées, un préteur ne suppliait point par lettres un cultivateur, ou ne le priait pas, de vive voix, de semer le plus qu’il était possible ; tandis qu’à présent, même après le départ de ce dévastateur des campagnes, il ne se trouvait personne qui labourât volontairement ; il n’y en avait qu’un petit nombre de reste, qui, encouragés par Métellus, revinssent dans leurs champs et dans leurs anciennes demeures. Ô le plus audacieux et le plus insensé des hommes ! ne voyez-vous pas que cette lettre est pour vous un arrêt de mort ? ne voyez-vous pas que, quand votre successeur parle de cultivateurs qui restent, il écrit expressément qu’ils survivent, non à la guerre, non à quelque désastre semblable, mais à votre perversité, à votre cruauté, à votre avidité, à votre fureur ? Greffier, lisez la suite. TOUTEFOIS, AUTANT QUE L’A PERMIS LE MALHEUR DES CIRCONSTANCES ET LA DISETTE DE CULTIVATEURS. La disette de cultivateurs, dit-il. Si moi, accusateur, je répétais aussi souvent la même chose, je craindrais, Romains, de vous fatiguer. Métellus dit hautement : SI JE N’AVAIS ÉCRIT AUX CULTIVATEURS. Ce n’est pas tout. SI, ARRIVÉ EN SICILE, JE NE LES AVAIS RASSURÉS. Ce n’est pas encore assez. LES CULTIVATEURS QUI RESTENT, dit-il. Qui restent ! à ce mot presque lugubre qui montre l’état désespéré de la Sicile, il ajoute : LA DISETTE DES CULTIVATEURS.

LV. Attendez, juges, attendez encore, si vous le pouvez, les preuves de mon accusation. Je dis que la cupidité de Verrès a fait enfuir les agriculteurs : Métellus écrit qu’il a rassuré ceux qui restaient. Je dis que les terres ont été abandonnées, les campagnes, désertées : Métellus écrit qu’il y a disette de cultivateurs. En écrivant ces mots, il annonce que les amis et les alliés du peuple romain ont été persécutés, dépouillés, chassés. S’il leur fût arrivé quelque mal par la faute de Verrès, sans que nos revenus en eussent souffert, vous deviez le punir, surtout en le jugeant d’après une loi établie en faveur des alliés ; mais puisque, par la ruine entière et la désolation de nos alliés, la cupidité de Verrès a diminué les revenus du peuple romain, et détruit pour longtemps les approvisionnements de blés, nos vivres, nos ressources, le salut même de Rome et de nos armées, songez du moins aux intérêts du peuple romain, si vous ne daignez pas pourvoir à ceux de vos alliés fidèles. Et afin que vous sachiez que le désir d’un gain, d’un butin présent a fait négliger à Verrès vos revenus, et lui a fait oublier l’avenir, écoutez ce que Métellus écrit à la fin de sa lettre : J’AI VEILLÉ, dit-il, POUR LA SUITE À NOS REVENUS. Il dit qu’il a veillé pour la suite à nos revenus. Il n’écrirait point qu’il a veillé à nos revenus, s’il ne voulait montrer que Verrès les a détruits. Car pourquoi Metellus aurait-il veillé à nos revenus dans les dîmes et dans tout ce qui concerne les blés, si Verrès, par ses exactions, n’eût pas ruiné les revenus du peuple romain ? Mais Métellus lui-même, qui veille à nos revenus, qui recueille le