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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/269

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l’auraient désiré, l’auraient demandé sous la préture de Verrès.

LXXXVII. Sositène, de la ville d’Entella, en est un des habitants les plus recommandables et les plus nobles. Vous avez entendu sa déposition : ses compatriotes l’ont député pour cette cause avec Artémon et Ménisque, deux des premiers de leur ville. Sositène, se plaignant à moi, dans le sénat d’Entella, des vexations de Verres, me dit que, si l’on faisait grâce aux Siciliens des provisions de la maison et de l’estimation arbitraire, ils promettaient au sénat de fournir gratuitement de blé la maison des préteurs, pour que nos magistrats, à l’avenir, ne se crussent pas autorisés par nous à extorquer de pareilles sommes. On voit, j’en suis sûr, combien cet arrangement serait avantageux aux Siciliens, non qu’il soit équitable, mais, entre les maux, ils choisissent le moindre. En effet, celui qui pour sa part aurait fourni la maison de Verrès de mille boisseaux de blé, aurait donné deux mille sesterces, ou tout au plus trois mille ; au lieu que, pour la même quantité de blé, il a été forcé de donner huit mille sesterces. Le laboureur, pendant trois années, n’a pu suffire à cette exaction avec sa récolte ordinaire ; il lui a fallu vendre ses instruments de labourage. Si les terres en culture, c’est-à-dire, si la Sicile peut souffrir et supporter cette imposition, qu’elle la souffre pour le peuple romain, plutôt que pour nos magistrats. La somme est considérable ; c’est un excellent revenu. Si vous pouvez le recueillir sans ruiner la province, sans écraser les alliés, à la bonne heure, recueillez-le ; qu’on donne à nos magistrats, pour leurs provisions, ce qu’on leur a toujours donné. Si les Siciliens ne peuvent suffireà ce que demande Verrès, qu’ils s’y refusent ; s’ils le peuvent, que ce soit plutôt un revenu de la république qu’un butin du préteur. Pourquoi, d’ailleurs, cette estimation n’est-elle établie que pour un genre de blé ? Si elle est juste et supportable, la Sicile doit au peuple romain des dimes ; qu’elle lui donne douze sesterces par boisseau, qu’elle garde son blé. On vous a remis, Verrès, deux sommes d’argent, destinées, l’une, à acheter du blé pour votre maison ; l’autre, à en acheter aux villes pour l’envoyer à Rome : vous gardez chez vous l’argent qui vous a été donné, et de plus, vous enlevez de votre chef aux Siciliens des sommes immenses. Faites la même chose pour le blé qui appartient au peuple romain ; servez-vous de la même estimation pour faire payer de l’argent aux villes, et reportez à Rome ce que vous avez reçu de Rome ; alors, sans doute, le trésor du peuple romain sera plus riche qu’il ne le fut jamais. Mais, direz-vous, la Sicile ne supporterait pas cet arrangement pour le blé de l’État : elle l’a supporté pour le mien. Comme si votre estimation était plus juste pour votre avantage que pour celui de la république, ou comme si mon arrangement et celui que vous avez fait, différaient par la nature de l’injustice et non par l’énormité de la forme. Dites plutôt que les Siciliens ne peuvent d’aucune manière supporter votre estimation : dût-on leur remettre tout le reste, dût-on les garantir à jamais de tout le tort, de tout le mal que leur a fait votre préture, ils ne peuvent, disent-ils, soutenir en aucune façon cette exaction d’une nouvelle espèce.

LXXXVIII. Sophocle, d’Agrigente, homme de beaucoup d’éloquence, rempli de science et de vertu, parla dernièrement devant le consul Cn. Pompée, au nom de toute la Sicile, sur les infor-