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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/284

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cile, je pourrais dire dans le monde entier, ont été, pendant ces trois années, libres, tranquilles, affranchis, déchargés de toute dépense, de tout embarras, de toute redevance. Aussi est-ce à Messine que furent instituées les fameuses Verréennes. C’est dans un repas donné à Messine qu’il fit traîner à ses pieds Sextus Cominius, qu’il lui jeta sa coupe au visage, et qu’il le fit saisir à la gorge pour être jeté dans un cachot ténébreux. C’est là que fut dressée cette croix sur laquelle expira un citoyen romain, à la vue d’une foule de spectateurs. Eh ! dans quel autre lieu l’aurait-il osé placer que chez ceux qu’il avait associés à tous ses forfaits et à tous ses brigandages ?

XI. Mamertins, vous osez venir ici décerner des éloges ! de quel droit ? quels titres vous recommandent au sénat et au peuple romain ? Est-il, je ne dis pas dans nos provinces, mais aux extrémités du monde, une seule nation si fière de sa puissance, si orgueilleuse de sa liberté, si féroce même et si barbare qu’on la suppose, est-il un seul roi qui ne s’empresse d’accueillir et d’inviter un sénateur romain ? Cet hommage s’adresse, non à la personne, mais d’abord au peuple romain, puisque ce titre est un de ses bienfaits, ensuite a la dignité de l’ordre sénatorial. Que deviendraient en effet la gloire et la majesté de notre empire, si cet ordre auguste n’était pas respecté chez les alliés et les nations étrangères ? Eh bien ! les Mamertins ne m’ont fait a moi aucune invitation publique. Quand je dis à moi, c’est peu de chose ; mais j’étais sénateur : en ne m’iuvitant pas, ils ont offensé, non un individu, mais l’ordre entier du sénat. Quant à moi personnellement, la riche maison de Pompéius Basiliscus m’était ouverte : j’aurais logé chez lui, quand même vous m’auriez invité. J’avais encore la maison des Parcennius, qui portent aussi le nom de Pompéius. Lucius, mon frère, fut reçu chez eux avec le plus vif empressement. Mais il n’a pas dépendu de vous qu’un sénateur romain ne trouvât point d’asile dans votre ville, et qu’il y passât la nuit entière exposé aux injures de l’air : nulle autre cité ne donna jamais l’exemple d’une telle insolence.

C’est, dites-vous, que j’accusais votre ami. Et quoi ! mes torts personnels vous donneront le droit de manquer à un sénateur ? Je réserve mes plaintes pour quelque moment où l’on s’occupera de vous dans le sénat, dans cet ordre auguste qui n’a jamais été méprisé que par vous. De quel front cependant osez-vous paraître devant le peuple romain ? Et cette croix, qui fume encore du sang d’un de nos citoyens, cette croix dressée à l’entrée de votre port et de votre ville, vous ne l’avez pas arrachée, avant que de vous montrer dans Rome et devant cette assemblée ? vous ne l’avez pas précipitée au fond de la mer ? vous n’avez pas purifié cette terre souillée par le plus horrible des attentats ? Hélas ! aux portes de Messine, notre alliée, notre amie, un monument atteste à jamais la cruauté de Verrès. A-t-on fait choix de votre ville, afin que ceux qui arrivent d’Italie aperçoivent l’instrument du supplice d’un citoyen romain, avant qu’ils puissent rencontrer un ami de la république ? Vous affectez de montrer cette croix aux habitants de Rhége, à qui vous enviez le droit de citoyen ; vous la montrez aux Romains établis parmi vous, afin de les humilier et de vous venger de leurs dédains, en