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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/317

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dans leur ville ? les Cnidiens, leur Vénus de marbre ? ceux de Cos, le tableau de cette même déesse ? Éphèse, son Alexandre ? Cyzique, son Ajax ou sa Médée ? Rhodes, son Ialysus ? Athènes, son Bacchus de marbre, son tableau de Parakis, ou la fameuse génisse de Myron ? Il serait long, autant qu’inutile, de dénombrer ici toutes les choses qui sont à voir dans chacune des villes de l’Asie et de la Grèce. Ce que j’en ai cité n’est que pour faire concevoir combien sont douloureusement affectés ceux à qui on enlève de si précieux ornements.

LXI. Jugez-en par les Syracusains. Lorsque j’arrivai chez eux, je crus d’abord, comme les amis de Verrès le disaient à Rome, que l’héritage d’Héraclius avait mis Syracuse dans ses intérêts, de même qu’il s’était concilié Messine, en l’associant à ses vols et à ses pillages. D’ailleurs, je craignais, si je demandais la communication de leurs registres, d’être traversé par les intrigues des femmes les plus nobles et les plus belles de la ville, dont il avait été l’esclave pendant les trois années de sa préture, et par les maris de ces femmes, qui s’étaient montrés si faciles et si complaisants pour leur préteur.

Je ne voyais donc que les citoyens romains ; je feuilletais leurs journaux ; j’y recueillais les traces de ses injustices. Pour me délasser de ces travaux pénibles, je revenais aux fameux registres de Carpinatius. Avec les plus respectables des chevaliers qui sont établis dans cette ville, je parvenais à éclaircir cette multitude d’articles dont je vous ai parlé ailleurs, et que je voyais tous inscrits sous le nom de Verrutius. Je n’attendais rien ni des magistrats, ni des habitants de Syracuse : il n’était pas dans mon intention d’avoir recours à eux. Un jour, je vois paraître chez moi Héraclius, le premier magistrat de Syracuse, citoyen distingué par sa naissance et qui avait été prêtre de Jupiter : c’est chez eux la dignité la plus honorable, il me propose de venir au sénat avec mon frère ; il nous dit que tout le corps s’est réuni, et qu’il vient, de sa part, nous faire cette invitation. Nous hésitons d’abord ; mais bientôt nous jugeâmes que nous ne devions pas refuser de nous rendre à cette assemblée.

LXII. Nous allons donc au sénat : on se lève pour nous faire honneur ; et sur la prière du magistrat, nous prenons place. Diodore Timarchide, le premier des sénateurs par son autorité personnelle, par sa sagesse, et, autant que j’en pus juger, par son expérience, prit la parole. Voici quelle fut à peu près la substance de son discours. Le sénat et le peuple de Syracuse ressentaient une peine extrême de ce qu’après avoir informé les autres villes de l’objet de mon voyage et des secours que je leur apportais, et avoir pris partout des renseignements, fait nommer des députations, recueilli des pièces et des témoignages, je n’agissais pas de même avec eux. Je répondis que, lorsque les députations réunies étaient venues à Rome réclamer mes bons offices, et me confier la défense de toute la Sicile, les députés de Syracuse ne s’étaient point présentés, et que d’ailleurs je ne pouvais solliciter un arrêt contre Verrès, dans une salle où je voyais une statue de Verres toute brillante d’or.

À ces mots, tous les yeux se portèrent vers