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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/36

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CICÉRON

XXX. Gallonii. Gallonius était, comme Névius, un crieur public enrichi, dont le luxe et la dépense étaient en quelque sorte passés en proverbe. Horace en parle dans ses Satires, II, 2, 47 ; et Cicéron, de Finibus, II, 8, cite des vers où Lucilius fait dire à Lélius le sage :

O Publi, o gorges, Galloni, es homo miser, inquit ;
Cœnasti in vit nunquam bene, quum omnia in ista
Consumis squilla, atque acipensere cum decumano.

Ne… arbitratu quidem suo poslularet. Souvent on pouvait intenter diverses actions pour une seule cause, et le demandeur pouvait choisir celle dont il voulait se servir. Par exemple, lorsqu’il s’agissait d’un vol, le demandeur pouvait redemander simplement ce qui lui appartenait, rei vindicatione ; ou le redemander comme un vol, condictione furtiva ; ou enfin poursuivre la peine du délinquant, qui était du double de la valeur de la chose volée, pour un vol non manifeste, et du quadruple pour un vol manifeste, c’est-à-dire, où le voleur avait été pris sur le fait. Celui à qui on avait empêché de force l’entrée de sa propre maison, avait de même double action, action d’injure, ou action de violence ; et ainsi du reste. Le demandeur ayant choisi son action, priait le préteur de lui permettre de l’intenter à sa partie. Cette permission obtenue, il exposait sa prétention selon la formule propre à l’action qu’il intentait ; par exemple, Aio fundum, quem possides, meum esse ; ou, Aio te mihi dare, facere oportere ; ou comme dans l’affaire de Quintius, Nego te bona mea possedisse ex edicto prœtoris. Chaque action avait sa formule, à laquelle on ne pouvait ni ajouter ni retrancher un seul mot, sous peine de perdre sa cause. Ces formules furent en usage au barreau jusqu’à Constantin, qui les abolit entièrement. (Extr. de Beaufort., Rép. Rom., t. iv, p. 134 et suiv.)


PLAIDOYER POUR SEXTUS ROSCIUS D’AMÉRIE.

DISCOURS DEUXIÈME.


INTRODUCTION.

Les calendes de juin de l’année 671 avaient été fixées par Sylla comme le terme des proscriptions et des confiscations. Vers le milieu de septembre de la même année, Roscius, citoyen d’Amérie, fut tué à Rome, après la première heure de la nuit, c’est-à-dire, selon notre manière de compter, entre sept et huit heures du soir.

Roscius était riche : sa fortune montait à six millions de sesterces (un million trois cent quatre-vingt mille francs). Il vivait habituellement à Rome : admis dans la société la plus intime des Métellus, des Scipions, des Servilius, et de plusieurs autres familles illustres, constamment attaché à la cause des nobles, il avait toujours soutenu le parti de Sylla.

La nouvelle de sa mort arriva dès le point du jour à la ville d’Amérie, quoiqu’à la distance de cinquante-six milles (près de dix-sept lieues). Deux parents de Roscius, que Cicéron prouve n’avoir pas été étrangers à l’assassinat, se hâtèrent d’en instruire Chrysogonus, affranchi et favori de Sylla. Ils avaient conçu le projet de s’emparer de la fortune de leur parent. Ils proposèrent à cet affranchi, dont le pouvoir était immense, de s’associer à ce projet odieux. Il fallait obtenir du dictateur que le nom de Roscius fut placé sur les tables de proscription, et que ses biens fussent confisqués et vendus. Chrysogonus l’obtint sans peine. Les biens furent mis en vente : il se les fit adjuger pour deux mille sesterces.

Cependant les trois associés n’étaient pas tranquilles : Roscius avait laissé un fils ; et quoique ce jeune homme, dénué d’instruction, vivant dans les champs, étranger aux affaires, inconnu à Rome, ne fût nullement redoutable par lui-même, il pouvait se faire que, secondé par le crédit des amis de sa famille et dirigé par leurs conseils, il revendiquât son patrimoine, et qu’il réclamât contre une spoliation aussi injuste et aussi impudente. En effet, il était de toute évidence que Roscius n’avait pu être mis au nombre des proscrits, puisqu’il avait toujours soutenu la cause de Sylla, et que la vente de ses biens n’avait pu avoir lieu, puisque la loi sur les proscriptions était expirée près de quatre mois avant l’assassinat.

Ils essayèrent de faire périr le jeune Roscius ; mais on parvint à le soustraire à leurs coups : il trouva même un asile auprès de Cécilia Métella, femme du dictateur. Alors ils prirent la résolution désespérée de lui imputer ce meurtre à lui-même, et de le poursuivre devant les tribunaux comme parricide : ainsi les hommes qui n’avaient pu être ses assassins, se firent ses accusateurs.

Le zèle de ses protecteurs ne se ralentit pas ; mais ils n’osèrent se charger de sa défense et parler pour lui devant le tribunal. Dans une cause de cette nature, il était impossible de ne rien dire des malheurs du temps, et de ne pas faire entendre des plaintes contre les abus du pouvoir et les crimes des hommes en faveur ; ils craignaient de paraître, en attaquant l’affranchi, manquer de respect au dictateur.

Cicéron seul eut la hardiesse d’entreprendre cette cause. Il était dans sa vingt-septième année, et déjà il s’était fait connaître au barreau où il avait plaidé plusieurs fois avec succès.

Cette époque de sa vie fut dans la suite un des plus doux souvenirs qui aient flatté sa vieillesse. Il conseillait à son fils de défendre l’innocence malheureuse, surtout lorsqu’elle était opprimée par des ennemis puissants. Il voyait dans cet emploi du talent un moyen infaillible pour arriver à la gloire : « C’est ce que j’ai fait en plusieurs occasions, lui disait-il, et surtout lorsque dans ma jeunesse je luttai pour Roscius contre le pouvoir immense de Sylla. » Ut