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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/365

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gnait d’avoir été enfermé dans les carrières de Syracuse ; qu’on l’a saisi au moment où il s’embarquait, proférant d’horribles menaces contre lui, et qu’on l’a gardé pour qu’il décidât lui-même ce qu’il en voulait faire.

Verrès les remercie : il loue leur bienveillance et leur zèle ; et aussitôt il se transporte au forum, ne respirant que le crime et la fureur. Ses yeux étincelaient : la cruauté était empreinte sur tout son visage. Chacun attendait à quel excès il se porterait, et ce qu’il oserait faire, lorsque tout à coup il ordonne qu’on amène Gavius, qu’on le dépouille, qu’on l’attache au poteau et qu’on apprête les verges. Ce malheureux s’écriait qu’il était citoyen romain, habitant de la ville municipale de Cosa ; qu’il avait servi avec L. Prétius, chevalier romain, actuellement à Palerme, et de qui Verrès pouvait savoir la vérité. Le préteur se dit bien informé que Gavius est un espion envoyé par les chefs des esclaves révoltés : cette imposture était entièrement dénuée de fondement, d’apparence et de prétexte. Ensuite il commande qu’il soit saisi et frappé par tous les licteurs à la fois.

Juges, un citoyen romain était battu de verges au milieu du forum de Messine ; aucun gémissement n’échappa de sa bouche, et parmi tant de douleurs et de coups redoublés, on entendait seulement cette parole, JE SUIS CITOYEN ROMAIN. Il croyait par ce seul mot écarter tous les tourments et désarmer ses bourreaux. Mais non ; pendant qu’il réclamait sans cesse ce titre saint et auguste, une croix, oui, une croix était préparée pour cet infortuné, qui n’avait jamais vu l’exemple d’un tel abus du pouvoir.

LXIII. Ô doux nom de liberté ! droits sacrés du citoyen ! loi Porcia ! loi Sempronia ! puissance tribunitienne, si vivement regrettée, et enfin rendue aux vœux du peuple, vous viviez, hélas ! et dans une province du peuple romain, dans une ville de nos alliés, un citoyen de Rome est attaché à l’infâme poteau ; il est battu de verges par les ordres d’un homme à qui Rome a confié les faisceaux et les haches ! Eh quoi ! Verrès, lorsque vous mettiez en œuvre les feux, les laines ardentes, et toutes les horreurs de la torture, si votre oreille était fermée à ses cris déchirants, à ses accents douloureux, étiez-vous insensible aux pleurs et aux gémissements des Romains, témoins de son supplice ? Oser attacher sur une croix un homme qui se disait citoyen romain ! Je n’ai pas voulu dans la première action me livrer à ma juste indignation. Non, citoyens, je ne l’ai pas voulu : vous vîtes en effet à quel point la douleur, la haine et la crainte d’un péril commun soulevèrent contre lui les esprits de la multitude. Je modérai mes transports, je retins C. Numitorius mon témoin, et j’approuvai la sagesse de Glabrion, qui ne lui permit pas d’achever sa déposition. Il craignait que le peuple romain, ne se fiant pas assez à la force des lois et à la sévérité de votre tribunal, ne voulût lui-même faire justice de ce barbare.

Aujourd’hui que chacun voit quelle sera l’issue