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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/461

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la république, un citoyen qui lui était promis. Combien Oppianicus, coupable d’un crime pareil, n’a-t-il pas mérité un supplice plus grand ? Cette femme du moins, en attentant sur elle-même, fut son propre bourreau ; mais Oppianicus fut l’assassin et le bourreau d’autrui. Les scélérats vulgaires ne peuvent, à ce qu’il semble, commettre sur un seul homme plus d’un parricide : Oppianicus est le premier qui, dans la même victime, en ait immolé plusieurs.

XII. Cn. Magius, oncle maternel du jeune Oppianicus, savait de quels excès était capable un audacieux endurci dans le crime. Attaqué d’une maladie dangereuse, il instituait pour son héritier ce jeune homme, fils de sa sœur. Toutefois il appela près de lui ses amis et Dinéa sa mère ; et, en leur présence, il demanda à son épouse si elle était enceinte. Apprenant qu’elle l’était, il la pria de se retirer, quand il aurait cessé de vivre, chez sa belle-mère Dinéa, d’y rester jusqu’au terme de l’enfantement, et de veiller avec le plus grand soin à la conservation du fruit qu’elle portait en son sein. En conséquence il lui légua une somme considérable à prendre sur son fils, s’il en naissait un ; il ne lui légua rien, si la succession tombait à l’héritier subrogé. Vous devinez ses soupçons ; le jugement qu’ils lui dictèrent n’est pas équivoque : il prenait pour héritier, après son fils, celui d’Oppianicus ; il se garda bien de prendre Oppianicus pour tuteur de son fils. Écoutez le reste, et vous comprendrez qu’en mourant, Magius avait trop bien lu dans l’avenir. La somme qui était léguée à la mère, à prendre sur l’enfant qui naîtrait d’elle, Oppianicus, qui ne lui devait rien, la lui paye comptant, si toutefois c’est là payer un legs et non acheter un crime. Munie de ce salaire, séduite par mille autres présents dont les registres d’Oppianicus, lus publiquement, ont révélé le secret, cette femme avare et dénaturée vendit à un monstre le précieux dépôt renfermé dans son sein, et recommandé à sa foi par un époux expirant. Il semble qu’on ne peut rien ajouter à tant d’horreurs. Écoutez encore. Cette femme qui, pendant dix mois entiers, n’aurait pas dû connaître d’autre maison que celle de sa belle-mère, oublie la dernière prière d’un mari, et cinq mois après sa mort elle passe dans le lit d’Oppianicus lui-même. Cette alliance ne fut pas de longue durée. C’était moins l’union sacrée de deux époux, que l’association monstrueuse de deux complices.

XIII. Que dirai-je du meurtre d’Asinius, jeune et riche habitant de Larinum ? Quel éclat fit alors cette étrange aventure ! combien elle occupa la renommée ! Il y avait à Larinum un certain Avilius, perdu de mœurs, dénué de ressources, doué d’une adresse consommée dans l’art d’éveiller chez un jeune homme sans expérience les plus funestes passions. Quand ce fourbe, à force de caresses et de basses complaisances, se fut insinué bien avant dans l’amitié d’Asinius, Oppianicus conçut l’espérance de s’en faire un auxiliaire, pour livrer la guerre à la jeunesse de cet infortuné, et conquérir son patrimoine. Le complot fut formé à Larinum : on choisit Rome pour l’exécution. Ils pensèrent qu’une pareille trame s’ourdissait plus facilement dans la solitude, mais que le succès était plus assuré dans le tumulte d’une grande ville. Asinius part pour Rome avec Avilius ; Oppianicus y vole sur leurs traces. Je ne