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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/492

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cial ce que l’âme est au corps humain : seule elle fait jouer ces ressorts qui en sont comme les nerfs, le sang et les membres. Les magistrats sont les ministres des lois ; les juges sont les organes des lois ; enfin, pour être libres, il faut que nous soyons tous les esclaves des lois. Pourquoi, Q. Naso, siégez-vous sur ce tribunal ? qui vous a donné l’autorité sur les hommes distingués qui forment ce conseil ? Et vous, juges, si, parmi tant de milliers de Romains, vous prononcez seuls sur la fortune et l’honneur des citoyens, de qui tenez-vous cette prérogative ? de quel droit Attius a-t-il dit tout ce qu’il a voulu dire ? pourquoi m’est-il permis à moi-même de parler si longtemps ? pourquoi ces greffiers, ces licteurs, tous ces officiers qui entourent le tribunal ? La loi sans doute le veut ainsi ; la loi, comme je l’ai déjà dit, est l’âme qui dirige et gouverne cette procédure. Mais quoi ! ce tribunal est-il le seul qui obéisse à l’empire de la loi ? quel droit régit celui de M. Plétorius et de C. Flaminius, qui punit les assassins ? celui d’Orchinius, qui connaît du péculat ? le mien, qui juge les concussionnaires ? celui de C. Aquillius, devant qui l’on instruit en ce moment une affaire de brigue ? enfin tous les autres tribunaux ? Portez vos regards sur toutes les parties du gouvernement ; vous verrez que partout la loi commande en souveraine. Vous-même, Attius, si quelqu’un voulait vous citer à mon tribunal, vous protesteriez hautement que la loi sur les concussions ne vous regarde pas ; et cette récusation ne serait pas un aveu que vous êtes coupable, mais on moyen de vous soustraire aux périls et aux embarras d’une poursuite illégale.

LIV. Maintenant voyez de quoi il s’agit, et quelle jurisprudence vous voulez établir. La loi qui régit ce tribunal enjoint au président, c’est-à-dire, à Q. Voconius, avec les jurés que le sort lui aura donnés pour assesseurs (c’est de vous, juges, que la loi parle), d’informer sur le crime d’empoisonnement. Contre qui ? Les termes sont généraux : CONTRE QUICONQUE AURA COMPOSÉ, VENDU, ACHETÉ, OU DONNÉ DU POISON. Qu’ajoute aussitôt la même loi ? Lisez, greffier : — ET QUE L’ON INFORME CRIMINELLEMENT… Contre qui ? contre celui qui aura intrigué, cabalé ? non, juges. Contre qui donc ? Lisez : — CONTRE TOUT TRIBUN DES QUATRE PREMIÈRES LÉGIONS, TOUT QUESTEUR, TOUT TRIBUN DU PEUPLE (la loi nomme de suite tous les magistrats), TOUT HOMME QUI A EU OU QUI AURA EU VOIX AU SÉNAT…. Eh bien ? CONTRE CELUI D’ENTRE EUX QUI S’EST OU SE SERA LIGUÉ, QUI A OU AURA CABALÉ POUR FAIRE CONDAMNER UN ACCUSÉ PAR UN TRIBUNAL PUBLIC… Vous entendez : « Celui d’entre eux, d’entre ceux » que la loi vient de nommer. — Qu’importe que l’article soit rédigé de telle ou telle manière ? — On le voit sans peine ; cependant la loi vous l’apprend elle-même. Lorsqu’elle embrasse tout le monde sans exception, elle dit : QUICONQUE A OU AURA COMPOSÉ DU POISON. Hommes ou femmes, libres ou esclaves, tous sont soumis à la même juridiction. Si elle eût voulu qu’il en fût de même au sujet des cabales, elle aurait dit : ET QUICONQUE AURA CABALÉ…. Mais elle dit : ON INFORMERA CRIMINELLEMENT CONTRE TOUT HOMME AVANT EXERCÉ UNE MAGISTRATURE OU VOTÉ DANS LE SÉNAT, QUI A ou AURA CABALÉ… Cluentius est-il un de ces hommes ? Non certainement. Qu’est-ce donc que Cluentius ? Un accusé qui ne veut pas profiter d’une loi si favorable. Et bien ! j’abandonne ce moyen ; je souscris au désir de Cluentius. Vous