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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/610

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campagnes par la victoire et le triomphe d’un père, c’est du bonheur. Dans cette partie de sa vie, il n’y a point de place pour la médisance : il n’y en a que pour l’éloge.

VI. Caton traite Muréna de danseur. Si ce reproche est fondé, le mot est d’un accusateur plein de fiel ; s’il est faux, c’est une injurieuse calomnie. Aussi, un homme dont le témoignage est aussi imposant que le vôtre, Caton, ne doit pas ramasser les mauvaises plaisanteries qui traînent dans les places, ou qui échappent à l’ivresse de vils bouffons, et qualifier si légèrement de danseur un consul du peuple romain : il doit considérer auparavant tous les vices qu’un pareil reproche, quand il est juste, peut faire supposer. En effet, un homme sobre ne s’avise guère de danser, à moins d’avoir perdu la raison ; il ne le fait, ni quand il est seul, ni dans un repas honnête et frugal. Dans les festins prolongés, dans les lieux où tout invite au plaisir, la danse est le dernier des excès qu’on se permette. Et vous, Caton, vous commencez par nous imputer un vice qui ne peut être que la suite de tous les autres ; et vous ne parlez point de ceux sans lesquels il est impossible d’y croire. Vous ne nous montrez ni festins honteux, ni folles amours, ni dissolution, ni débauche, ni profusions ; et dans la vie d’un homme où vous ne trouvez ni plaisirs coupables, ni rien de ce qui s’appelle volupté, vous croyez trouver l’ombre de la débauche où la débauche elle-même n’existe pas ! Ne pouvez-vous donc rien dire contre les mœurs de Muréna ? Non, rien, juges, rien absolument. Je soutiens qu’on ne saurait reprocher au consul désigné que je défends, ni fraude, ni avarice, ni perfidie, ni cruauté, ni légèreté, même dans ses paroles. Voilà donc les bases de ma défense bien établies. Ce n’est point encore par des éloges dont je pourrai plus tard faire usage, c’est presque par l’aveu de nos adversaires que je défends devant vous un citoyen honnête et vertueux.

VII. Ce point établi, j’aborderai plus facilement le second chef d’accusation, ses titres au consulat.

Je reconnais en vous à un degré éminent, Servius Sulpicius, les avantages de la naissance, de la probité, du talent, en un mot tous les genres de mérite qui doivent appuyer les prétentions au consulat. Mais ces titres, je les trouve aussi dans Muréna, et à un degré tellement égal, qu’il n’est pas possible de décider entre vous sur la supériorité du mérite. Vous avez rabaissé la naissance de Muréna pour relever la vôtre. Si vous prétendez qu’à moins d’être patricien on ne peut être bien né, c’est vouloir que les plébéiens se retirent encore une fois sur le mont Aventin. Mais les plébéiens comptent aujourd’hui des familles honorées et illustres. Le bisaïeul et l’aïeul de Muréna ont été préteurs, et son père, en obtenant après sa préture, un triomphe honorable et glorieux, lui a aplani la route du consulat ; car alors le fils semblait réclamer une dette contractée envers son père. Votre noblesse, Servius Sulpicius, est sans doute fort illustre, mais elle est surtout connue des savants et des historiens ; son éclat frappe moins les yeux du peuple et de ceux qui donnent leurs suffrages. Votre père était de l’ordre équestre ; aucun genre de gloire n’a illustré le nom de votre aïeul. Ce n’est pas dans les souvenirs récents de nos contemporains, mais dans la pous-