Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/628

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres. D’ailleurs, comme ils le disent eux-mêmes, ils ne peuvent ni nous défendre en justice, ni nous servir de caution, ni nous recevoir à leur table. Tous ces bons offices, c’est de nous qu’ils les attendent, et ils croient ne pouvoir les reconnaître que par un dévouement assidu. Aussi ont-ils résisté à la loi Fabia, qui restreint le cortège des candidats, et au sénatus-consulte porté sous le consulat de L. César. Il n’est en effet aucune rigueur qui puisse empêcher les citoyens pauvres de nous rendre un hommage consacré par une longue habitude.

Mais des tribus entières ont eu place dans le cirque, et ont été conviées à des repas publics. Quoique ce ne soit nullement le fait de Muréna, et que ses amis ne soient coupables que d’avoir suivi la coutume, je me rappelle cependant à cette occasion, Servius, combien toutes ces plaintes débattues dans le sénat nous ont enlevé de suffrages ; car du temps de nos pères, comme de nos jours, soit envie de plaire, soit libéralité, on a toujours loué des places au cirque et au forum pour ses amis et les citoyens de sa tribu….

Lacune.

XXXV. Un intendant des ouvriers donna une fois dans les jeux une place à ceux de sa tribu que statuerez-vous contre des hommes du premier rang, qui, pour le même objet, ont loué dans le cirque des loges entières ? Toutes ces accusations contre les cortèges, les spectacles, les repas, ont donné sujet au peuple, Sulpicius, de vous taxer d’une rigueur minutieuse ; et cependant ce décret du sénat est sur ce point la justification de mon client. Que porte-t-il en effet ? Défend-il d’aller au-devant de quelqu’un ? Non, mais d’y aller pour de l’argent. Prouvez que nous en avons donné. Défend-il d’avoir un nombreux cortège ? Non, s’il n’est pas salarié. Prouvez donc. Défend-il de donner des places aux spectacles, d’inviter à des repas ? Nullement, mais de le faire indistinctement pour le public, c’est-à-dire, pour tous les citoyens. Si L. Natta, jeune homme d’une haute naissance, dont les nobles sentiments présagent déjà ce qu’il sera un jour, a traité les centuries de chevaliers, pour remplir un devoir de parenté, et pour se ménager dans la suite quelque crédit à lui-même, devons-nous en faire un grief, un crime à Muréna son beau-père ? Si une vestale qui lui est unie par les liens du sang et de l’amitié, lui a cédé les places dont elle dispose aux jeux du cirque, n’a-t-elle pas agi en bonne parente, et lui, n’est-il pas à l’abri de tout reproche ? Ce sont là des services entre parents, des plaisirs pour le peuple, des obligations pour les candidats.

Mais Caton m’oppose toute la sévérité d’un stoïcien ; il réprouve, au nom de la morale, les repas donnés pour capter la bienveillance du peuple ; il condamne les manœuvres qui tendent, par l’amorce des plaisirs, à gagner les suffrages dans les élections. Ainsi, quiconque aura donné un repas dans l’intérêt de sa candidature, doit être condamné. Eh quoi ! dit-il, le souverain pouvoir, l’autorité suprême, le gouvernement de la république, seront le prix de votre adresse à flatter les passions des hommes, à séduire leurs esprits, à les enivrer de voluptés ! Est-ce un trafic de débauche que vous faites avec une jeunesse efféminée, ou le gouvernement du monde que vous demandez au peuple romain ? Étranges discours