Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/679

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rien ; ils ne respectent rien. Mais que dis-je, du banc des accusateurs ? ils sortent de la même maison : s’ils hésitent dans un seul mot, ils ne trouveront plus d’asile. Peut-on regarder comme témoin un homme que l’accusateur interroge sans inquiétude, sans appréhender qu’on lui réponde autrement qu’il ne désire ? Où donc est ce mérite qu’on remarquait auparavant dans un accusateur ou dans un défenseur ? Il a bien interrogé le témoin, disait-on ; il l’a retourné avec adresse ; il l’a embarrassé ; il l’a amené où il voulait ; il l’a confondu et réduit au silence. Pourquoi, Lélius, interrogeriez-vous un témoin qui, avant que vous lui ayez dit, JE VOUS INTERPELLE, en débitera bien plus encore que vous ne lui en avez prescrit dans votre maison ? Et à moi, défenseur, que me servirait de l’interroger ? En effet, ou l’on réfute la déposition d’un témoin, ou l’on attaque sa vie passée. Par quel raisonnement réfuterais-je la déposition d’un témoin qui dit, NOUS AVONS DONNÉ, et rien de plus ? Il faut donc parler contre la personne du témoin, puisqu’on ne saurait argumenter contre ses paroles. Que pourrais-je dire contre un inconnu ? Il nous reste donc à nous plaindre, ce que je fais depuis longtemps, de l’iniquité de l’accusation. Je me plains d’abord des témoins en général, des témoins qu’envoie une nation très peu scrupuleuse sur l’article des témoignages. Je dis plus : je soutiens que vos prétendus décrets ne sont pas de vraies dépositions, mais les clameurs confuses d’une foule d’indigents, mais les mouvements tumultueux d’une assemblée grecque. Je vais plus loin encore celui qui a fait la chose n’est point présent ; on n’a point amené celui que l’on dit avoir compté les sommes ; on ne produit aucun registre particulier ; les registres publics sont au pouvoir de l’accusateur. Tout dépend des témoins, et ils vivent avec nos ennemis ; ils habitent avec nos accusateurs, ils se présentent avec nos adversaires. Avez-vous cru, je vous le demande, qu’il serait ici question de flétrir et de perdre l’innocence, et non d’examiner et de discuter la vérité ? les manœuvres que l’on emploie, juges, tout impuissantes qu’elles sont contre celui que je défends, me semblent redoutables par elles-mêmes et du plus funeste exemple pour l’avenir.

XI. Quand je défendrais un homme de la plus basse origine, sans considération personnelle, sans réputation ; toutefois, par le droit de la simple humanité et par les sentiments d’une compassion naturelle, je supplierais des citoyens en faveur d’un citoyen ; je vous prierais de ne pas livrer un Romain, un suppliant à des témoins inconnus, à des témoins passionnés, assis sur le banc de l’accusateur, logeant sous le même toit, mangeant à la même table ; de ne pas l’abandonner à des hommes, grecs par la légèreté, barbares par la cruauté ; je vous prierais de ne pas donner pour l’avenir un exemple dangereux. Mais il s’agit de Flaccus, sorti d’une famille dont le premier qui fut consul, fut aussi le premier consul de Rome, qui chassa les rois par son courage, et fonda la liberté publique ; il s’agit d’une famille dont plusieurs magistratures, des commandements, de brillants exploits ont maintenu l’éclat jusqu’à ce jour sans aucune interruption ; il s’agit de Flaccus, qui n’a point dégénéré de la vertu héréditaire dans sa famille, et qui, pendant sa préture, s’est mon-