Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/700

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

provinces. Alors nous opposerons à la province d’Asie, d’abord une grande partie de cette même province, qui a envoyé des députés pour rendre témoignage et pour solliciter les juges en faveur de Flaccus ; et ensuite les provinces de Gaule, de Cilicie, d’Espagne, de Crète. Aux Grecs de Lydie, de Phrygie, de Mysie, résisteront en face les Grecs de Marseille, de Rhodes, de Lacédémone, d’Athènes, toute l’Achaïe, la Thessalie, la Béotie. Les témoins Septimius et Célius seront combattus par P. Servilius et Q. Metellus, qui déposent de la sagesse et de l’intégrité de celui que je défends. La préture de Rome sera mise à côté de celle d’Asie. Toute la vie de Flaccus, toute sa conduite, non démentie, détruira les inculpations d’une seule année. Et s’il ne doit pas être inutile à Flaccus, de s’être montré digne de ses ancêtres lorsqu’il était tribun militaire, questeur, lieutenant, sous d’illustres généraux, dans de florissantes armées, dans de grandes provinces ; qu’il lui soit utile d’avoir uni ses périls aux miens, ici, sous vos yeux, au milieu des dangers qui vous menaçaient tous ; qu’il lui soit utile de recueillir le témoignage des villes d’Italie les plus distinguées, et celui des colonies ; qu’il lui soit utile d’avoir la recommandation, aussi sincère que glorieuse, du sénat et du peuple de Rome.

Ô nuit fatale, qui fut presque pour cette ville une éternelle nuit ! Lorsqu’on pressait les Gaulois de nous déclarer la guerre, Catilina de s’approcher de Rome, les conjurés de s’armer du fer et de la flamme ; lorsque je vous implorais, Flaccus, en attestant le ciel et la nuit, en mêlant mes larmes aux vôtres ; lorsque je recommandais à votre zèle et à votre foi le salut de Rome et de ses citoyens ! c’est vous, Flaccus, c’est vous, digne préteur, qui avez arrêté les messagers de nos malheurs, et ces lettres qui renfermaient nos désastres ; c’est vous qui nous avez fait connaître, à moi et au sénat, les périls que nous courions, et les moyens d’y échapper. Quelles justes actions de grâces ne reçûtes-vous pas alors de moi, du sénat et de tous les gens de bien ! Qui aurait cru qu’aucun des bons citoyens dût jamais refuser, je ne dis pas de vous dérober à une condamnation, mais de vous élever aux premiers honneurs, vous et C. Pomtinius, votre courageux collègue ? Ô nones de décembre, quel glorieux jour vous avez été sous mon consulat ! Je puis vous appeler, avec vérité, le jour de la naissance de Rome, ou du moins celui de sa conservation.

XLI. Ô nuit, qui as précédé ce jour, que tu fus heureuse pour cette ville ! Je crains, hélas ! que tu ne sois funeste que pour nous. Quels étaient alors les sentiments de Flaccus (je ne dirai rien de moi) ! Quel amour il signalait pour la patrie ! quel courage ! quelle fermeté ! Mais pourquoi rappeler ces actes qui alors méritaient les éloges et les applaudissements unanimes de tous les Romains et de tous les peuples du monde ? Je crains aujourd’hui que, loin de nous être utiles, ils ne nous soient pernicieux : car, je le vois, la mémoire des méchants est moins prompte que celle des gens de bien à oublier le passé ! C’est moi, Flaccus, s’il vous arrive quelque disgrâce, oui, c’est moi qui vous aurai perdu : c’est cette main, gage de ma foi, ce sont mes assurances et mes promesses qui vous auront trahi, lorsque je vous jurais que, si nous sauvions la république, vous pouviez compter, pour le reste de vos jours, sur l’appui de tous les gens de bien, sur leur empressement à vous défendre et à vous combler d’honneurs.