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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/739

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nulle. Croyez-vous que le sénat n’ait point encore assez solennellement déclaré, non-seulement que je n’ai point compromis son autorité, mais qu’au contraire personne, depuis la fondation de Rome, n’a exécuté plus fidèlement ses ordres ?

Que de moyens n’ai-je pas de prouver que votre prétendue loi n’est pas une loi ! Si je prouve, par exemple, que, dans un seul rapport, vous avez proposé au peuple plusieurs objets à la fois, croyez-vous qu’une chose que l’on n’a point passée à M. Drusus dans la plupart de ses lois, au vertueux M. Scaurus, à L. Crassus, personnage consulaire, vous la puissiez obtenir par les Décimus et les Clodius, ces suppôts de tous vos forfaits et de toutes vos débauches ?

XX. Votre loi porte bien défense de me recevoir, mais non pas ordre de sortir. Vous-même ne pouviez pas dire qu’il me fût défendu d’être à Rome. Car quelle raison en donner ? Que j’étais condamné ? rien de plus faux. Que j’ai été chassé ? De quel droit l’aurais-je été ? On n’a pas même écrit dans la loi que je sortirais. Il y avait peine contre qui me recevrait, qui en a tenu compte ? De bannissement, il n’en est pas question. Mais soit. Ces travaux publics décrétés et cette inscription de votre nom sur un monument, est-ce une loi, ou le pillage de mes biens ? sans parler de la loi Licinia, qui vous défendait de vous faire donner à vous-même une telle commission. Que signifie ce que vous dites à présent devant les pontifes, que vous avez consacré ma maison, que vous en avez fait un monument, que vous y avez placé une statue de la Liberté, et que vous avez fait tout cela en vertu d’une toute petite loi ? Est-ce la même chose, selon vous, que ce que vous avez proposé nommément contre ma personne ? Oui, c’est autant une même chose que ce que vous avez compris dans une seule et même loi ; savoir, que, d’une part, le roi de Chypre, dont les ancêtres furent toujours alliés et amis du peuple romain, fût vendu à l’encan avec tous ses biens, et que, de l’autre, les exilés de Byzance fussent rétablis dans leur patrie. C’est a la même personne, dit-il, que j’ai donné les deux commissions. Mais si vous aviez donné à une même personne la commission de lever l’impôt en Asie ; d’aller ensuite en Espagne, avec la permission, après son départ de Rome, de demander le consulat, et, le consulat obtenu, de prendre le gouvernement de Syrie ; parce que vous n’auriez requis que pour une seule personne, ne serait-ce qu’une même loi ? Et si le peuple romain eût été alors consulté par vous, et que vous n’eussiez pas tout fait par des brigands et des esclaves, ne pouvait-il pas arriver que le peuple agréât ce qui concernait le roi de Chypre, et rejetât ce qui regardait les exilés de Bvzance ? Quel est, en effet, le sens, la force de la loi Cécilia-Didia, sinon que le peuple ne se trouve pas obligé, par cette réunion de plusieurs objets différents ou de recevoir ce qu’il n’approuve pas, ou de rejeter ce qu’il désire ?

Que dis-je ? si c’est par violence que vous avez fait passer cette loi, est-ce toujours une loi, et peut-on jamais regarder comme légal l’ouvrage d’une violence manifeste ? Quoi ! parce que, dans le moment même où vous proposiez votre loi au milieu de Rome captive, on n’a pas jeté de pierres, on n’en est pas venu aux mains, n’en sera-ce pas moins par l’excès de la violence que