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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/85

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cius a demandé pour lui seul et non pour la société. Saturius, qui voit que rien n’est plus évident, n’ose pas insister et lutter de front contre la vérité ; mais il trouve à l’instant un nouveau biais et imagine un nouveau piège à nous tendre. J’accorde, dit-il, que Roscius a demandé sa part à Flavius, qu’il a laissé celle de Fannius libre et intacte ; mais je soutiens que ce qu’il a perçu pour lui-même est devenu la propriété commune de la société. C’est ce qu’on peut dire de plus insidieux et de plus inique. En effet, je vous le demande, Roscius a-t-il pu ou non réclamer sa part de la société ? S’il ne l’a pu, comment l'a-t-il retirée ? S’il l’a pu, comment n’aurait-ce pas été pour lui-même ? Car ce qu’on demande pour soi, à coup sûr ou ne le reçoit pas pour un autre. Quoi donc ? Si Roscius eût demandé tout ce qui revenait à la société, elle ferait des parts égales de ce qu’il aurait reçu ; et lorsqu’il n’a demandé que sa part, ce qu’il a reçu ne lui appartiendrait pas ?

XVIII. Quelle différence y a-t-il entre celui qui plaide pour lui-même et celui qui plaide par procuration ? Quand on plaide pour soi-même, on ne demande que pour soi. On ne peut demander pour un autre, sans avoir été chargé de plaider en son nom. Est-ce la vérité ? Si Roscius, avait plaidé en votre nom, vous auriez pris pour vous ce qui lui aurait été adjugé. C’est en son propre, nom qu’il a demandé, et s’il a obtenu quelque chose, ce n’est pas pour vous, c’est pour lui. S’il est vrai qu’on puisse demander pour un autre, sans en avoir la procuration, je vous demanderai pourquoi, après la mort de Panurge, lorsque la procédure était commencée contre Flavius, en réparation du dommage, vous avez eu pour cette affaire la procuration de Roscius ? Et cependant de votre propre aveu, ce que vous demandiez pour vous, vous le demandiez pour lui ; et tout ce que vous deviez recevoir pour vous-même retombait dans la communauté. S’il ne devait rien revenir à Roscius de ce que vous auriez obtenu, dans le cas où vous n’auriez pas eu sa procuration, il ne doit vous rien revenir de ce qui a été obtenu par lui, puisqu’il n’avait pas la vôtre. Que pouvez-vous répondre à cela, Fannius ? Lorsque Roscius a transigé avec Flavius, vous a-t-il laissé ou non votre action contre lui ? S’il ne vous l’a pas laissée, comment avez-vous depuis obtenu de Flavius cent mille sesterces ? S’il vous l’a laissée, pourquoi demandez-vous à Roscius ce que vous devez demander pour vous-même en vertu de votre droit ? En effet, une association se régit absolument de la même manière qu’un héritage commun. Un associé a sa part dans la société ; un héritier a sa part dans la succession. L’héritier demande pour lui seul, et non pour ses cohéritiers ; l’associé demande pour lui seul, et non pour ses coassociés ; et comme l’un et l’autre demande chacun pour soi, il paye aussi pour soi seul : l’héritier, proportionnellement à la part qu’il a reçue dans l’héritage ; l’associé, suivant la valeur de sa mise dans la société. De même que Roscius pouvait, en son nom, remettre sa part à Flavius, sans que vous eussiez le droit de la réclamer ; ainsi, lorsqu’il s’est fait payer en vous laissant tous vos droits, il n’a rien à partager avec vous, à moins que, par un renversement de toute justice, on ne vous permette de prendre à Roscius ce que vous ne pouvez arracher à un autre. Saturius persiste, et veut que tout ce qu’un associé se