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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/98

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poumons robustes et bien exercés. C’est en lui que sont toutes vos espérances : c’est lui, si l'on vous choisit pour avocat, qui soutiendra tout le fardeau de l’accusation. Mais Allienus lui-même ne fera pas tout ce qu’il pourra : il voudra ménager votre gloire et votre réputation ; il sacrifiera quelque chose de son éloquence, pour que vous paraissiez avec un peu d’avantage, de même que parmi nos acteurs grecs, celui qui ne remplit que le second ou le troisième rôle, eût-il une diction plus belle que le principal acteur, prend néanmoins un ton plus bas pour laisser briller le héros de la pièce : ainsi fera sans doute Allienus : il sera votre humble complaisant, il ne montrera pas tout ce qu’il peut faire. Voyez dès à présent quelle espèce d’accusateurs nous avons dans une si grave affaire ; lorsque Alliénus lui-même, supposé qu’il ait du talent, en devra sacrifier une partie, tandis que Cécilius ne croira compter pour quelque chose qu’autant qu’Alliénus parlera moins haut, et voudra bien lui céder le premier rôle. Quel sera le quatrième ? je l’ignore ; à moins que ce ne soit un de ces discoureurs subalternes qui ont demandé à servir de seconds à quiconque vous aurez choisi pour principal accusateur. Il faudra pourtant, Cécilius, préparé comme vous l’êtes, que vous acceptiez les bons offices de quelqu’un de ces hommes que vous ne connaissez même pas. Je ne leur ferai pas l’honneur de répondre par ordre, à chacun d'eux en particulier, quoi qu’ils puissent dire ; mais puisque, sans y songer, le hasard m’a conduit à parler d’eux, je vais, comme en passant les satisfaire tous ensemble d’un seul mot.

XVI. Me croyez-vous donc si peu d’amis qu’on me donne le premier venu pour assesseur au préjudice de ceux que j’ai amenés avec moi ? Et vous, avez-vous donc si peu d’accusés que vous tâchiez de m’enlever ma cause au lieu d’aller chercher à la colonne Ménia des accusés de votre rang ? Donnez-moi, dit cet homme, pour surveillant à Cicéron. Et moi, combien de surveillants ne me faudra-t-il pas, si je consens à vous communiquer mes pièces ? à vous qu’on aura besoin de surveiller, pour vous empêcher non seulement d’en révéler mais d’en dérober aucune ! Enfin, voici la courte réponse que sur ce point je vous fais a tous. De tels juges ne souffriront pas que, dans une cause de cette importance, confiée à mes soins, et dont je me suis chargé, qui que ce soit ose aspirer à me servir de second malgré moi : ma loyauté s’indigne d’un surveillant, ma vigilance redoute un espion.

Mais pour en revenir à vous, Cécilius, combien de choses vous manquent, vous le voyez. Combien vous en avez au contraire que doit désirer dans son accusateur un accusé coupable, vous le savez, j’en suis sûr. À cela que peut-on répondre ? car je ne demande pas ce que vous répondrez : je vois bien que ce n’est pas vous qui parlerez, mais ce livre que tient dans ses mains votre souffleur, lequel, s’il fait bien, vous soufflera de vous retirer, et de ne point hasarder un seul mot de réponse. Que direz-vous en effet ? Ce que vous répétez