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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/119

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quels sont mes talents ? C’est assez la coutume des savants, et principalement des Grecs, de traiter ainsi sur-le-champ tous les sujets qu’on leur propose. Cette tâche est difficile ; et, pour la remplir, il ne faut pas être médiocrement exercé. Je suis donc d’avis que vous vous adressiez à ceux qui font métier de ces discussions, pour savoir tout ce qu’on peut dire sur l’amitié. Pour moi, je ne puis que vous exhorter à la préférer à tout dans la vie. Rien n’est en effet plus conforme à notre nature, rien n’est plus utile dans la bonne comme dans la mauvaise fortune. Mais je pense d’abord que l’amitié ne peut exister qu’entre les honnêtes gens ; et je n’attache pas à ce dernier mot la signification, juste peut-être, mais sans utilité publique, mais trop rigoureuse, que des esprits subtils lui ont donnée, en avançant que le sage seul était honnête homme. Je veux encore que cela soit vrai ; mais ensuite ils définissent le sage de manière qu’il n’en aurait jamais existé. Nous devons, nous, considérer les choses telles qu’elles sont dans l’usage, dans la vie commune, et non telles qu’on les feint, qu’on les imagine, ou qu’on les désire. Sans doute les Fabricius ; les M’. Curius, les Tib. Coruncanius, qui étaient regardés par nos pères comme autant de sages, ne l’auraient jamais été d’après la règle de ces philosophes. Qu’ils gardent pour eux leur définition du sage, elle est pour nous trop obscure et trop exclusive ; et qu’ils nous accordent que c’étaient là d’honnêtes gens. Mais ils n’en feront rien : ils soutiendront qu’il n’y a d’honnête homme que le sage. Allons donc terre à terre, comme on dit ; et tous ceux qui, dans leurs actions et toute leur conduite, ne montrent que bonne foi, intégrité, justice, générosité, sans mélange de cupidité, de passions honteuses ou violentes, qui sont invariables dans leurs principes comme les Romains que