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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/131

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par le sentiment d’affection que nous éprouvons lorsque nous venons à rencontrer un homme dont le caractère et les mœurs nous conviennent, parce qu’il nous semble voir comme reluire en lui la probité et la vertu. Rien n’est, en effet, plus aimable que la vertu ; rien n’attire davantage l’amour des hommes, puisque nous chérissons, en quelque sorte, pour leur vertu et leur probité, ceux même que nous n’avons jamais vus. Pouvons-nous penser, sans un sentiment de bienveillance et d’affection, à C. Fabricius, à M’. Curius, morts si long-temps avant notre naissance ? Qui ne hait, au contraire, un Tarquin le Superbe, un Sp. Cassius, un Sp. Mélius ? Nous avons eu à disputer l’empire, au sein même de l’Italie, contre deux généraux, Pyrrhus et Annibal : la probité de l’un nous fait comme une loi de l’estimer, tandis que la cruauté de l’autre le rendra toujours odieux au peuple romain.

IX. Si la probité a un tel ascendant sur nous, qu’elle se fasse aimer même dans ceux que nous n’avons jamais vus, et, ce qui est encore plus fort, dans nos propres ennemis, qu’y a-t-il d’étonnant qu’un homme se sente ému lorsqu’il découvre la bonté et la vertu dans celui dont il peut faire son ami ? L’amitié toutefois se fortifie par les services rendus, par les preuves de zèle, par l’habitude enfin ; et tout cela, joint à ce premier mouvement sympathique, produit une bienveillance admirable et l’attachement le plus profond. Ceux qui prétendent que ce sentiment si pur dérive de notre faiblesse et du désir de trouver dans un ami les ressources qui nous manquent, lui donnent une origine, si j’ose le dire, bien ignoble, puisqu’ils le font naître de l’indigence et de la misère. S’il en était ainsi, plus un homme se sentirait faible, plus il serait propre à l’amitié : ce