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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/167

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voulait que l’éclat de sa gloire rejaillît sur tous les siens. Tel est l’exemple que tout le monde doit suivre. L’homme qui s’élève par sa vertu, par son génie, par sa fortune, doit faire participer les siens à son élévation ; de manière que s’il est né de parents obscurs, si ses proches sont sans crédit et sans biens, il leur fasse part de ses richesses et leur communique son éclat. Voyez les personnages mêmes de la fable : après avoir, dans l’ignorance de leur naissance et de leur race, longtemps vécu dans la servitude, lorsqu’ils viennent à être reconnus et qu’ils se voient les enfants des dieux ou des rois, ils conservent néanmoins leur tendresse pour les bergers qu’ils ont longtemps regardés comme leurs pères : à plus forte raison doit-on le faire pour ses véritables parents. Les fruits du génie, de la vertu et de toute espèce de supériorité, sont bien plus doux à recueillir lorsqu’on les partage avec les siens.

XX. Si les hommes qui ont quelque prééminence doivent, dans le commerce de l’amitié, se mettre au niveau de leurs inférieurs[1], ceux-ci, de leur côté, ne doivent pas être fâchés de se voir surpasser par leurs amis, en génie, en fortune, en dignité. Il en est qui ont toujours des plaintes ou des reproches à faire, surtout lorsqu’ils peuvent se vanter de quelque trait d’amitié où ils ont manifesté leur zèle, leur fidélité, leur courage. C’est une espèce de gens bien fâcheux que ceux qui reprochent leurs services. Celui qui les a reçus doit s’en souvenir, et celui qui les a rendus ne pas les rappeler. Il ne suffit donc pas, dans l’amitié, que les grands se rapprochent

  1. « L’amitié, comme l’amour, ne cherche pas l’égalité, mais elle la fait. » Sacy.