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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/185

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sans laquelle l’amitié n’est rien. Tel est le pouvoir de l’amitié, que de plusieurs âmes elle n’en fait, pour ainsi dire, qu’une seule(25) : comment cela se pourra-t-il, si au contraire il n’y a pas même une seule âme dans un seul homme, et si, au lieu d’être toujours le même, il change, il varie, il prend toutes les formes ? Quoi de plus variable, en effet, de plus versatile, qu’une âme qui se plie et se replie comme elle veut, je ne dis pas selon le sentiment, selon la volonté d’un autre, mais à son moindre signe, à son moindre geste ?

On dit non, je dis non ; on dit oui, je le dis ;
Jamais je ne conteste, et toujours j’applaudis.

C’est encore Térence qui parle, ou plutôt qui fait parler Gnathon[1]. Il y a bien de l’imprudence à se lier avec des amis de cette espèce ; mais le caractère de ces Gnathons n’étant point rare parmi des hommes d’une réputation, d’une fortune, d’un rang plus élevé, il est à craindre que leur autorité ne rende leurs adulations encore plus funestes. Avec de l’attention, on distinguera le flatteur du véritable ami(26), comme on distingue les choses fardées et artificielles de celles qui sont naturelles et vraies. Une assemblée publique, quoique composée d’hommes sans lumières, juge pourtant la différence qu’il y a entre l’homme populaire, c’est-à-dire l’adulateur du peuple, l’homme frivole, et le citoyen grave et sévère. Par quelles basses flatteries C. Papirius ne chercha-t-il pas dernièrement à séduire l’assemblée du peuple, lorsqu’il voulait faire passer sa loi de la réélection des tribuns ? Je m’élevai contre cette proposition. Mais je ne parlerai pas de moi, je parlerai seulement et avec plaisir de Scipion. Quelle gravité, grands dieux ! quelle majesté

  1. Dans l’Eunuque, act. II, sc. ii, v. 21.