Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tilius, Sp. Mummius. Je me complais à mon tour, à présent que je suis vieux, dans l’amitié des jeunes gens, comme dans la vôtre, dans celle de Q. Tubéron, même dans celle de P. Rutilius et d’A. Virginius, dont la société me plaît beaucoup, malgré leur grande jeunesse. Toutefois, puisque la succession des âges est dans l’ordre de la nature, il est bien à désirer de pouvoir passer la vie avec ceux de son âge, et d’arriver, pour ainsi dire, à la borne avec ceux même à qui la barrière a été ouverte en même temps qu’à nous. Mais les choses humaines sont si incertaines, si fragiles ! faisons-nous donc toujours des amis que nous chérissions et qui nous chérissent. Si vous ôtez de la vie la bienveillance et l’affection, vous en bannissez toute la douceur. Scipion, quoiqu’il m’ait été si subitement enlevé, vit encore et vivra toujours pour moi ; car c’est sa vertu que j’aimais, et elle n’a point péri. Et ce n’est pas pour moi seul, qui en ai joui sans cesse, que sa vertu existe encore ; elle passera dans tout son éclat à la postérité. Nul homme ne concevra, n’entreprendra jamais rien de grand sans se proposer Scipion pour modèle, sans avoir son image devant les yeux.

Oui, de tous les biens que j’ai reçus de la nature ou de la fortune, il n’en est aucun que je puisse comparer à l’amitié de Scipion. Par elle, nous n’avons eu qu’un même sentiment sur les intérêts de l’état, qu’un même conseil dans nos affaires domestiques ; par elle, nos loisirs ont été remplis de charmes. Jamais, que je sache, je ne l’offensai dans la moindre chose ; jamais il ne sortit de sa bouche une parole que je n’eusse pas voulu entendre. Nous habitions la même maison, nous vivions à la même table, et jamais on ne nous vit séparés ni à la guerre, ni en voyage, ni à la campagne. Que dirai-je