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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/31

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DE LA VIEILLESSE.

leurs études, ni leurs travaux ; et cela n’est pas seulement vrai des hommes publics, ce l’est encore des simples particuliers. Sophocle fit des tragédies jusqu’à l’extrême vieillesse. Ses études paraissant lui faire négliger ses intérêts domestiques, il fut cité en justice par ses fils, qui demandaient que l’administration lui en fût interdite pour cause d’incapacité, comme il se pratique chez nous à l’égard des pères qui sont mauvais économes. On dit qu’alors ce vieillard récita aux juges une nouvelle pièce à laquelle il travaillait encore, Œdipe à Colone, et qu’il leur demanda si ce poème leur semblait être d’un homme tombé en enfance. À l’instant même il fut absous par la sentence des juges(12). Est-ce donc Sophocle que la vieillesse a forcé d’interrompre ses études ? sera-ce Homère, Hésiode, Simonide, Stésichore ? ou bien Isocrate, Gorgias, dont j’ai déjà parlé ? ou les princes des philosophes, Pythagore, Démocrite, Platon, Xénocrate, ou, après ceux-là, Zénon, Cléanthe ? ou enfin Diogène le stoïcien, que vous avez vu à Rome ? Les études de tous ces grands hommes n’ont-elles pas duré autant que leur vie ? Mais quoi ! sans parler de ces études divines, je puis citer de nos Romains agriculteurs, mes amis et mes voisins, qui ne souffrent presque jamais qu’on fasse sans eux aucun grand travail dans leurs champs, et ne veulent pas qu’on s’occupe sans eux d’ensemencer les terres, de cueillir et d’enfermer les fruits. Cette prévoyance du moins n’a rien qui doive étonner, car il n’est personne de si vieux, qui ne croie pouvoir vivre encore un an ; mais ils se livrent à des travaux dont ils savent qu’ils ne profiteront pas. Tel est le vieillard de Statius dans les Synéphèbes :

Ses arrière-neveux lui devront cet ombrage.(13)

Aussi, demandez à un laboureur, quelque vieux qu’il