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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/379

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de calme qui se perpétuera pendant tous les siècles ? Si nous aimons mieux que la mort soit un passage en des lieux habités par ceux qui nous ont devancés, quoi de plus désirable que d’y aller rejoindre les personnes que nous avons le plus chéries, et que de nous trouver avec ceux qui ont pris tant de soin de nous instruire, par leurs préceptes et par leurs exemples, à vivre avec honneur et à mourir sans regret ? Pour moi, si la mort m’ouvre un chemin à de pareilles demeures, rien ne flattera plus mes désirs que de me réunir à ceux que j’ai aimés par-dessus tout, et que je ne puis jamais m’empêcher d’aimer et de louer. Quelle joie ce sera pour moi quand j’arriverai auprès de mes parents et de mes amis ! Quel charme dans nos entretiens ! quels transports dans nos embrassements ! O vie vraiment digne d’être appelée de ce nom, comme dit Ennius, vie remplie de biens et de délices, ou plutôt, heureuse mort qui nous conduit à une si heureuse vie ! Tout abattu que je suis par le chagrin, je me sens soulagé par ces réflexions, puisées dans les sources de la philosophie ; et c’est ce qui me fait espérer qu’il n’y aura personne qui n’y trouve quelque adoucissement à ses maux : je l’espère d’autant plus qu’il n’est point de douleur qui puisse égaler la mienne. En effet, si l’amour tendre et respectueux de ma fille pour moi ; si sa vertu, sa modestie, sa constance ; si d’autres qualités qu’on ne trouve point dans les femmes, bien loin qu’on les exige de leur sexe, sont d’un prix inestimable, j’ai dû souffrir, et beaucoup, d’en être privé. Mais qu’enfin la consolation prenne le dessus de la douleur, et que la grandeur de la perte que j’ai faite ne m’occupe plus tant que la pensée de la juste mesure que je dois garder dans le deuil d’une fille qui était née pour mourir. Voilà ce que