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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/407

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Venons maintenant à ceux qui, après le cours d’une longue vie, en voient la fin de plus près. Pourquoi se troubleraient-ils ? Si la mort ne rend pas leur état meilleur qu’il n’était pendant leur vie, du moins elle ne le rendra pas plus malheureux. Supposé que l’âme s’éteigne, il n’y a plus de sentiment, plus de mal, plus d’occasion de s’affliger. Dans l’hypothèse contraire, où l’âme subsistera dégagée du corps, quoi de plus délicieux et de plus divin que cette vie ! quel juste sujet de joie et de plaisir ! On ne peut donc s’empêcher de conclure que la mort n’a rien en soi que de très bon ; que loin de s’en effrayer lorsqu’elle se présente, on ne doit jamais la fuir, et qu’elle est assez souvent désirable, surtout aux vieillards, qui, rassasiés du peu de biens que fournit cette vie, se délivrent de ses angoisses pour entrer dans une autre, où leur bonheur sera sans mélange ; car je ne suis pas de ceux qui pensent que l’âme meurt avec le corps, et que la lumière de l’esprit, cette émanation de la nature divine, périt et s’éteint : je crois bien plutôt qu’après un certain espace de temps, elle revient à sa source immortelle. Quoi de plus séant à l’homme, doué d’un esprit mâle et soutenu par tant de raisons solides, que de conserver son courage, et d’abjurer une honteuse faiblesse ? Quant à ceux dont la pusillanimité va jusqu’à pleurer les morts outre mesure, et qui ne sauraient surmonter ces défaillances de l’humanité, ils mériteraient qu’on leur appliquât ce reproche sanglant :

Allez, faibles guerriers, vous n’êtes que des femmes,
Et Clélie est un homme.

On a vu des femmes même qui, dans leurs deuils domestiques, ont montré beaucoup de présence d’esprit