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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/421

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une si généreuse défense, qu’on ne s’y soit préparé de longue main, et qu’on n’acquiert cette fermeté inébranlable qu’à force d’épreuves et après avoir longtemps combattu : alors seulement l’habitude se forme, et l’âme aguerrie nous couvre contre toutes les attaques de la nature et de la fortune.

Serait-il croyable qu’Harpage(16) le Mède eût pu laisser à la postérité l’exemple d’un acte aussi héroïque que celui dont Hérodote nous a conservé la mémoire, si, par l’habitude qu’il avait prise d’exercer sa patience et son courage, il ne s’était pas endurci au point de paraître insensible au plus inouï des outrages, et de réserver sa vengeance à un temps où il pût la satisfaire avec usure sur le barbare auteur de la mort de son fils ? Astyage(17) ne s’était pas contenté de faire égorger cet enfant, il avait ordonné qu’on en apprêtât les intestins, et qu’on les servît à sa table devant ce malheureux père. Le repas fini, le roi se fit apporter la tête du jeune homme, et la présentant à Harpage : De quelle bête, lui demanda-t-il, pensez-vous avoir mangé les entrailles ? Celui-ci, sans se déconcerter et sans montrer la moindre altération sur son visage : Je vois, dit-il, ce que c’est ; telle a été la volonté du roi, je n’en ai point d’autre que la sienne. Il dissimula l’horreur de cette action jusqu’à ce qu’il pût engager Cyrus(18) à passer de la Perse dans la Médie ; et comme Astyage le choisit pour commander l’armée qu’il envoyait contre le même Cyrus, il profita de la première occasion qu’il eut pour le livrer lui et son royaume à ce prince, sous le pouvoir duquel il fut réduit pour souffrir la peine due à son inhumanité. Grande leçon,