Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très ordinaire que la douleur, par son impétuosité, les bannisse et les chasse de notre esprit. J’en ai moi-même fait l’expérience, et j’ai senti l’inconvénient de ne m’être pas préparé de bonne heure aux chagrins par une étude sérieuse des principes qui les combattent. J’avais lu avec quelque soin beaucoup de traités philosophiques sur cette matière, tels que ceux de Théophraste, de Xénocrate, et de plusieurs autres qu’il est inutile de nommer ; cependant, comme je ne prévoyais pas alors que j’en dusse faire usage pour mon propre compte, je n’avais pas apporté encore assez d’attention à cette lecture pour qu’elle s’imprimât autant qu’il l’aurait fallu dans mon esprit, et il est arrivé de là que, frappé et surpris d’un coup aussi funeste qu’inopiné, j’en ai été terrassé avant que je pusse penser à recourir à mes livres. Il est vrai que, dans la suite et avec le secours du temps, ma douleur a perdu quelque chose de sa vivacité, et que mon esprit étant moins agité est devenu plus capable de recevoir les remèdes propres à ma guérison. Mais je reprends le fil de mon discours. Il me reste peu de choses à expliquer, qui pourtant sont telles, qu’elles méritent d’être sues, et que le fruit qu’on en retirera, et qu’on doit rechercher avant tout, sera peut-être plus agréable encore et plus précieux.

Je ne vois pas ce qui peut nous arrêter dans l’incertitude où nous persistons au sujet de ce que j’ai dit, que nous ne devons nullement nous affliger de la mort de nos proches : serait-ce cette pensée dont nous ne saurions nous distraire, que, s’ils avaient vécu plus longtemps, nous aurions recueilli de leur affection pour nous tels ou tels avantages ? Mais c’est donc pour l’amour de nous-mêmes que nous sommes chagrins, et