Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/443

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avait été tué dans une action en combattant courageusement pour son pays, répondit que c’était pour cela qu’elle l’avait mis au monde. Quelle admiration ne méritent point de telles femmes ! quels éloges et quelles récompenses ne seraient pas au-dessous de leur grandeur d’âme, quand on les voit préférer une mort honorable à la vie et à tous les autres avantages, pour l’amour et la gloire de leur patrie, objet unique de leurs pensées !

Mais nos Romaines leur sont-elles donc si inférieures ? Non ; elles les égalent, si même elles ne les surpassent pas. Rappelez-vous le souvenir de cette belle et magnifique parole de Cornélie, qui, après la mort de Tibérius et de Caïus Gracchus, les derniers de ses douze enfants, disait, sans paraître émue d’aucun sentiment de crainte ou de douleur, qu’elle s’estimerait toujours heureuse de leur avoir donné le jour : femme vraiment courageuse et comparable, par la supériorité de son génie et par l’élévation de ses sentiments, à tout ce qu’il y a eu de plus grand dans l’antiquité ; car non seulement elle ne céda point à sa douleur, mais elle en triompha, après l’avoir obligée de céder à son courage. Ne soyons point étonnés, après cela, que Rutilia(31) ait suivi en exil son fils, C. Cotta, et l’ait perdu à son retour sans verser aucune larme. Clodia(32) eut le même sort : elle survécut à son fils D. Brutus mort consulaire, et elle supporta cette perte avec patience et fermeté. Quand on pense à la faiblesse de ce sexe, on peut être étonné qu’il nous ait fourni tant d’exemples de constance et de courage ; mais quand on vient à faire attention que ces femmes étaient sorties de pères et d’aïeux recommandables par les mêmes qualités, on est obligé de convenir qu’on ne pouvait moins attendre d’elles.