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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/491

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pas dans la connaissance parfaite de la vérité. Ainsi, dès que nous avons acquis cette connaissance, nous jouissons d’une science parfaite et absolue ; et l’on peut dire de quiconque voit la vérité et la goûte par sentiment, qu’il n’a plus rien à souhaiter, et que, par conséquent, il est au comble du bonheur.

Que si ce bonheur est la fin vers laquelle nous devons tendre, si rien n’est plus contraire à notre nature et ne lui inspire plus d’aversion que tout ce qui peut retarder cette suprême félicité, quelle folie ou quelle stupidité est comparable à celle d’un homme qui s’afflige de la mort d’autrui, et qui, oubliant cette vie bienheureuse, rend la sienne misérable ? Il aurait beau être doué des plus belles qualités, et préférer en tout la droiture et la justice à son utilité, il ne sera jamais heureux, à moins qu’il ne soit délivré de la crainte de la mort et de la douleur. Cette douleur, qu’est-ce autre chose que le tourment de l’esprit ? et qu’est-ce que la crainte, sinon l’appréhension perpétuelle d’événements désagréables et fâcheux ? Or, je dis qu’on ne saurait être heureux ni tranquille tant qu’on est aux prises avec l’une ou avec l’autre, et que cette misère, qui est déjà si pénible et si importune pour celui qu’elle accable, lui attire encore les censures de l’opinion, et quelquefois le mépris ; car il n’y a rien de plus choquant qu’une douleur trop marquée, rien de plus étranger au caractère de l’homme. Les difformités du corps nous rendent méprisables ; à plus forte raison les vices de l’esprit doivent-ils nous attirer la honte et l’opprobre. Les vices qui attaquent l’âme sont d’autant plus déshonorants et plus répréhensibles, qu’ils ont leur siège dans la partie la plus noble de nous-mêmes. Que si la douleur portée à l’excès expose celui qui s’y