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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/493

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abandonne à la honte et au mépris, il s’ensuit que dès lors il lui est absolument impossible de prétendre à aucun mérite, à aucune gloire. Cette vérité se déduit de la liaison même des choses, comme on déduit les conséquences d’un raisonnement ; et si dans une discussion les propositions s’enchaînent, et naissent les unes des autres, on peut dire de même qu’une difformité ou une turpitude est le germe de plusieurs dans celui qui une fois n’aura pas craint de se déshonorer.

Ce n’est pas que je veuille donner à penser que, parce que je me déclare contre la douleur, je l’improuve généralement et sans exception, ou que je sois d’avis qu’il la faut extirper jusqu’à la racine ; je pense seulement qu’on la doit restreindre dans ses bornes. Le sentiment de la douleur, comme l’a très judicieusement observé Crantor, n’est point interdit à l’homme, soit lorsqu’on lui coupe, soit lorsqu’on lui arrache quelque partie de son corps : ne rien sentir dans ces occasions, serait joindre à une dureté d’organes presque féroce, une stupidité d’âme inconcevable. Ce que je condamne, c’est l’excès opposé, lorsqu’on s’abandonne à la douleur si démesurément, que l’on encourt peut-être encore plus de blâme que si l’on n’en montrait point du tout ; car, de même que celui qui n’en est point touché semble déroger à la nature, qui, surprise par la mort, l’oblige à marquer, par des signes, qu’il y prend part et qu’il en est affligé, de même celui qui se laisse trop abattre par ce sentiment fait juger de lui qu’il oublie qu’il est homme, et qu’il refuse de se soumettre à la loi commune. Concluons de tout cela que l’on a également tort de vouloir se soustraire aux peines qui sont imposées à toute l’espèce, et de ne pas dis-