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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/513

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qu’il s’agisse de défendre ou de soutenir les intérêts de la république, ils s’y portent avec tant d’ardeur et tant de courage, qu’ils ne s’aperçoivent ni du danger ni du travail, ou qu’ils n’en tiennent aucun compte. En effet, c’est une grande amorce en même temps qu’un grand soulagement pour un homme qui poursuit à perte d’haleine l’objet de son ambition, que l’espérance de l’utilité ou de la gloire prochaine qu’il s’en promet ; et il n’est pas même nécessaire que cet objet soit fort important, il aura la même ardeur pour le moindre. Que l’on considère ceux qui se plaisent à la chasse, on les voit outrés de fatigues et presque aux abois ; jamais cependant vous ne les trouverez ni moins vifs ni moins légers à courir après leur gibier. Dans quelles peines et dans quels embarras l’ambition des honneurs ne jette-t-elle pas la plupart de nos concitoyens ? Toutefois, quel est celui d’entre eux qui ose avouer qu’il est excédé des démarches ou ennuyé des soins qu’il faut nécessairement se donner pour préparer une brigue ? Il en est de même de ceux qui se sont laissé prendre aux attraits de la vertu ou enivrer du désir de la gloire ; ils ne s’aperçoivent pas de ce qu’il leur en coûte pour y atteindre, ou, si quelquefois ils jugent par leurs efforts de l’étendue des obstacles, ils n’en sont pas ralentis : c’est qu’ils sont tout entiers à ce qu’ils entreprennent pour servir la patrie, et pour assurer l’immortalité à leur nom. Si quelqu’un d’eux croit devoir se relâcher de cette réputation, et borner son bonheur au témoignage de sa conscience, du moins il ne renoncera pas aux honneurs divins qu’on a coutume d’accorder aux grands hommes : autrement il jugerait mal des dieux, qui ont eux-mêmes recherché ces honneurs. On peut dire aussi que la sagesse et la justice des peuples chez qui cette coutume